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Author: Philippe Bourget

  • Glasgow, la reconquête sur un passé difficile

    Glasgow, la reconquête sur un passé difficile

    Des Tobacco Lords à Macintosh, signes intérieurs de richesse

    A Glasgow, l’histoire se lit dans la pierre. Fondée au VIe s., la cité s’établit sur une colline au nord-est du centre-ville actuel. Là se trouvent toujours la cathédrale catholique St Mungo’s (XIIe-XIIIe s., remaniée), devenue presbytérienne, et la plus ancienne maison de Glasgow, Provand’s Lordship (1471), souvenir de son passé moyenâgeux. Elles sont bordées par Necropolis, cimetière-jardin victorien (XIXe s.) dominant la ville de ses 3 500 pierres tombales.

    Pollok House, manoir au sud de la rivière Clyde Bourget Philippe

    Glasgow entre réellement dans la lumière en 1707, quand l’Ecosse se lie à la couronne d’Angleterre. Depuis le port, les navires peuvent accéder plus facilement que depuis Londres aux terres anglaises d’Amérique. Des marchands locaux, les Tobacco Lords, vont ainsi faire fortune dans le tabac et bâtir de riches demeures. C’est dans Merchant City – partie du centre-ville – que l’on peut les voir, comme celle à colonnes du 78, Hutcheson Street, ou la Gallery of Modern Art, ex maison du négociant William Cunningham. Ou encore Merchant Square, un ancien marché couvert qui deviendra au 19e s. un haut-lieu de commerce.

    Immeuble de style Ecossais Baronial sur Argyle Street Bourget Philippe

    Dans ce quartier s’affichent aussi les marques bourgeoises d’une autre ère : la révolution industrielle. A la fin du XVIIIe s., l’écossais James Watt décuple le potentiel de la machine à vapeur. Jackpot pour la ville, qui fait tourner ses mines de fer, de charbon et ses industries à plein régime. Avec la construction navale, Glasgow devient aux XIXe s. et XXe s. une cité ouvrière prospère. Les big boss y bâtissent de nouveaux édifices : face au Tron Theater, l’ancienne banque de style « écossais baronial » (décors médiévaux et Renaissance) ; sur St Vincent Street, Anchor Line (ex compagnie maritime, 1906) et Citizen Office.

    Argyle Street Bourget Philippe

    La période révèle aussi le talent de l’architecte Charles Rennie Mackintosh. Inspirateur de l’Art Nouveau à Glasgow, son travail se lit en différents lieux, comme la Lighthouse (un « phare » en ville), la Glasgow School of Arts et The House of an Art Lover, dans le parc Bellahouston. L’âme ouvrière, elle, transparait à Hidden Lane, dans le quartier aujourd’hui bobo de Finnieston. D’anciens ateliers en briques sont devenus des studios d’artistes. Quant aux puces de Barras, dans East Side, elles drainent le week-end une clientèle populaire fan de vintage.

    Porte des City Chambers, l’hôtel de ville Philippe Bourget | cms

    Depuis les années 1990, une renaissance et une vie culturelle intenses

    La prospérité de Glasgow s’effondre dans les années 1970-1980. Avec la fin de l’aventure minière britannique et les crises industrielles, la cité tombe dans la pauvreté. Quartier populaire, la rive sud de la Clyde, fleuve côtier qui traverse la ville, est exsangue. La traversée du tunnel va durer plus de 20 ans. Jusque aux années 1990 quand, sous l’impulsion de la sphère artistique de la ville, un début de renaissance s’engage.

    Passerelle piétonnière sur la rivière Clyde Philippe Bourget | cms

    Mot d’ordre : rénovation urbaine à tout-va et culture musicale. C’est à ce moment là que les groupes locaux Simple Minds, Frantz Ferdinand et Texas se révèlent, dans l’ancienne salle de bal Barrowland, devenue lieu de concert. Le street art envahit les murs. Glasgow offre de nos jours un mélange étonnant de dynamisme culturel. Une ardeur friendly qui tient autant à la solidarité héritée de l’histoire ouvrière qu’à ce présent arty et musical. « On rit plus à Glasgow lors d’un enterrement que durant un mariage à Edimbourg ! », se moquent les locaux.

    Le marché aux puces des Barras, East Side Philippe Bourget | cms

    Même si des friches urbaines sont toujours visibles et qu’une certaine pauvreté se lit dans des rues et sur des visages, l’éveil glasvégien se renforce depuis trente ans. Proche de la chic Ingram Street et de George Square, où se dressent les City Chambers (l’hôtel de ville), la piétonne et large Buchanan Street aligne de nombreux commerces. Merchant Square est devenu un lieu prisé de fooding, dans un secteur urbain qui vibre aux couleurs LGBT. Au-delà du quartier boboïsé de Finnieston (restaurants, bars…), West End est aussi un exemple de mutation. Autour de la vaste université où enseigna Adam Smith, père de l’économie libérale, ce quartier est devenu un repaire de magasins et de cafés branchés. On s’en aperçoit en flânant sur la très animée Byres Road ou dans la ruelle villageoise Ashton Lane, riche en pubs.

    Pub dans une ancienne courette industrieuse Philippe Bourget | cms

    Restent les quais de la Clyde. D’industriels, ils sont devenus « arty ». Depuis la toute récente passerelle piétonne et cycliste jetée sur le fleuve au confluent avec la Kelvin, les rives sont scandées par l’ultra design Riverside Museum (histoire des transports), le Glasgow Science Center, le siège de la BBC Scotland, le SEC Armadillo (auditorium) et Ovo Hydro (salle de concerts). Au milieu des runners qui s’époumonent, tout cela est très tendance mais par trop clinique. Des mouettes piaillent, un pâle soleil transparait… et Glasgow poursuit sa mue trendy.

    Ashton Lane, rue villageoise à pubs de West End Philippe Bourget | cms

    Kelvingrove Art Gallery and Museum et Burrell Collection, l’art au sommet

    Ces deux grands musées sont à visiter absolument. Dans le quartier de West End, près de l’université, l’immense et impressionnant Kelvingrove Art Gallery and Museum, aménagé dans un palais en grès rose du début du XXè s. – cette pierre a servi à bâtir de nombreux édifices à Glasgow -, exige un peu plus qu’une demi-journée si l’on veut tout voir en profondeur. Les espaces d’exposition se déploient dans des patios et des étages à galeries, de part et d’autre d’un grand hall central.

    Le Kelvingrove Art Gallery and Museum, dans West End Philippe Bourget | cms

    Entièrement gratuit, le « Kelvingrove » parle autant de zoologie que de sculpture et de peinture. On ira voir en particulier l’espace consacré aux grands peintres modernes écossais (Leslie Hunter, JD Fergusson, SJ Peploe…) dont certains tableaux exaltent la nature locale (superbe « Balmoral Autumn », par Joseph Denovan Adam, 1896) et les salles dédiées à l’impressionnisme français, où sont présentés des tableaux des grands maîtres Courbet, Monet, Cézanne, Matisse, Renoir…

    Objets d’art dans la Burrell Collection Philippe Bourget | cms

    La Burrell Collection est aussi indispensable. Plus importante collection d’art issue d’un legs privé d’Ecosse, elle provient de Sir William Burrell, industriel glasvégien du tournant du XXè s. ayant fait fortune dans la construction navale. Il a passé sa vie, avec son épouse, à réunir des œuvres. Près de 10.000, dit-on. Sa passion éclectique l’a conduit à posséder des peintures d’impressionnistes, des céramiques, des sculptures, des objets antiques… Tous plus remarquables les uns que les autres.

    Une salle d’exposition dans la Burrell Collection Philippe Bourget | cms

    A sa mort, en 1958, il en fit don à sa ville. Depuis les années 1980, celle-ci les présente dans ce vaste musée design récemment rénové, posé au sud de la rivière Clyde, dans le Pollok Country Park, grand jardin de 150 ha avec ferme, vaches highlands et manoir, un poumon vert parmi d’autres de la ville. Détendu par cet environnement de nature, le public est invité à découvrir des statuettes asiatiques, des céramiques chinoises et iraniennes aux couleurs splendides et une superbe série de tableaux impressionnistes de Degas (peintre préféré de Wlliam Burrell), Manet, Courbet (splendide tableau de la « Charité à Ornans »), Pissaro, Renoir, Corot, Daumier… ainsi que des sculptures de Rodin et de Camille Claudel. Un régal.

    Botanic Gardens et Kelvingrove Park, références d’une cité verte

    Comme dans beaucoup d’autres villes britanniques, la nature est très présente. Autant en profiter après avoir trekké dans les rues de la cité ! Parmi les parcs de Glasgow, le jardin botanique, dans West End, est un must. Proche de la station de métro Hillhead, il offre une respiration charmante avec ses parterres jardinés, ses serres et sa vallée sauvage de la Kelvin. Fondé en 1817 par le botaniste Thomas Hobkirk, il propose ses allées bordées de pelouses bien taillées à des déambulations romantiques (de nombreux écureuils gris gambadent en liberté) et 12 serres abritant plus de 12.000 sortes de plantes et fleurs exotiques et du désert.

    Philippe Bourget | cms

    Dès l’entrée, on tombe nez à nez avec un magnifique palais de verre, le Kibble Palace, qui abrite une luxuriante végétation tropicale. On achèvera la balade par une plongée le long de la rivière Kelvin, vallée verte et secrète longée par un sentier pédestre.

    La rivière Kelvin près de l’université, dans Kelvingrove Park Philippe Bourget | cms

    Non loin de là, toujours dans West End, Kelvingrove Park est un autre poumon de verdure. Situé près de l’université, cet espace traversé par la rivière Kelvin, affluent de la Clyde, offre sur plus de 30 ha ses grands arbres, ses pelouses et ses allées ombragées aux promeneurs et aux joggeurs. Les enfants adorent titiller les écureuils gris, peu farouches, qui hantent ce parc.

    Passerelle dans les Botanic Gardens Philippe Bourget | cms

    Très fréquenté, le Kelvingrove Park est aussi le « campus vert » des étudiants de l’université, qui n’ont qu’à descendre de leurs doctes salles de cours pour venir s’alanguir sur l’herbe, aux beaux jours. Depuis deux ans, fin septembre, le parc accueille Big Feed, sur la Kelvin Way. Un évènement musical et culinaire, avec concerts et offre de street food.

     

    Infos

    • Passeport valide obligatoire pour se rendre au Royaume-Uni.
    • A partir du 2 avril 2025, une ETA (Electronic Travel Authorisation) est aussi obligatoire pour se rendre au Royaume-Uni depuis la Belgique. Prix : 10 £ (env. 12 €), valable pendant deux ans (sauf si validité du passeport expirée avant). gov.uk/government/organisations/home-office
    • A Glasgow, on pourra utiliser le métro (une ligne circulaire) et les bus pour les sites éloignés. Billet à la journée : métro (env.5€) ou bus (5,50€).
    Hébergements-Restaurants-Cafés

     

    En savoir plus
    Visit Britain : visitbritain.com/fr
    Visit Scotland : visitscotland.com/fr-fr

  • Les secrets du Morbihan, un golfe et des îles

    Les secrets du Morbihan, un golfe et des îles

    Démarrez par une croisière dans le golfe

    C’est assurément le meilleur moyen de découvrir cette baie, étendue sur 115 km² et parsemée de 42 îles, qui s’ouvre vers l’océan Atlantique par un goulet de moins d’un kilomètre de large. Une mer intérieure à la géographie singulière, épargnée par les grandes tempêtes venues du sud mais pas par les puissants courants marins, dont certains, lors des grandes marées, peuvent atteindre près de 20 km/h.

    Entrée du golfe du Morbihan, près du phare de Port-Navalo cms | cms

    Alors, à moins d’être un excellent navigant et d’avoir un bateau, mieux vaut faire confiance aux compagnies maritimes ! Parmi celles qui proposent des croisières au départ de Vannes, l’une d’elles permet d’embarquer pour près de 4h de navigation. Une odyssée « nature et patrimoine » entre ciel et eau, dont les seuls points de repère sont les clochers pointus des églises des villages riverains.

    La célèbre Maison Rose, dans le chenal menant de Vannes Philippe Bourget | cms

    Une fois quitté le chenal de Vannes, la balade s’ouvre sur l’adorable pointe de Conleau (quartier villageois de Vannes), le port saisonnier de Port-Anna (en saison, on y pêche la seiche, appelée ici « morgate ») et les derniers « sinagots », antiques bateaux à voiles rouges. Puis l’on pénètre dans le grand golfe. Le capitaine, au micro, égrène le nom de chaque île. Boëdic (privée), Logoden (boisée), Mouchiouse (un seul habitant !), Stibiden (ayant appartenu à Danielle Darrieux, une actrice française)… Chacune sa géographie et son histoire, dans ce monde clos aux lumières changeantes passant du noir nuageux au plus scintillant des bleus marins.

    Le village et le port de Locmariaquer Philippe Bourget | cms

    Dans ce dédale poissonneux où de grands marins au long cours ont fait leurs armes – on compte ici une dizaine d’écoles de voile -, deux îles s’imposent par leur taille : l’Île aux Moines et Arz. Toutes deux habitées à l’année, la première a fourni quantité de capitaines au long cours, alors que la seconde était aussi connue pour ses marins-pêcheurs. Deux terres de villégiature hors du monde, idéales pour les touristes cherchant le calme et le dépaysement.

    Relance de la culture de la vigne sur l’île d’Arz Philippe Bourget | cms

    Au sud du golfe, l’air du grand large vient siffler aux oreilles. Au-delà du port-village abrité aux maisons blanches de Locmariaquer, les pointes de Kerpenhir et de Port-Navalo laissent entrer le puissant flux du large. Plus loin, ce sont les îles d’Houat et d’Hoedic, un autre voyage…

    Vannes et Auray, les gardiennes du golfe

    Reliées l’une et l’autre au golfe par un chenal, la Marle pour Vannes, la rivière d’Auray… pour Auray, la connexion souligne le rôle maritime puissant que les deux villes majeures du golfe ont joué depuis toujours : d’abord comme ports marchands, par l’échange de produits de mer et de terre (vin, sel, chanvre, bois, céréales…) ; puis comme ports de plaisance, en abritant de nos jours de nombreux voiliers.

    Vue générale sur le port de Saint-Goustan, à Auray Philippe Bourget | cms

    Vannes, une des villes les plus dynamiques de Bretagne (chantiers navals et pôle universitaire) déploie un centre ancien remarquable cerné de murailles, miraculeusement préservé des bombes lors de la seconde guerre mondiale. Tout bénéfice pour le promeneur ! On s’y balade de placettes en ruelles bordées de splendides maisons à pans de bois, dont les rez-de-chaussée abritent commerces de bouche et d’artisanat.

    Les maisons à colombages de la place Henri IV Philippe Bourget | cms

    Place de Valencia, rues Saint-Salomon, des Halles, Saint-Gwénaël… Dans ce centre vivant, la marche urbaine donne le tournis, jusqu’à l’exceptionnelle place Henri-IV et son décor moyenâgeux de demeures à colombages, tout près de la cathédrale Saint-Pierre. Loin d’être figée dans un passé muséifié, Vannes respire la création. En témoigne l’Hôtel de Limur, qui raconte les évolutions de la ville, une forte culture street art hors les murs (parcours à suivre via l’appli Diggy) et la promenade arborée du port, avec ses expos outdoor estivales.

    Maisons à pans de bois dans la ville haute d’Auray Philippe Bourget | cms

    Auray est plus intimiste. Nichée au fond de sa ria-rivière, la petite ville brille surtout par son vieux port, Saint-Goustan, avec ses quais et ses demeures en granit qui semblent ne pas avoir changé depuis le XVIIIème s. A l’époque, les bateaux de commerce qui s’y amarraient avaient élevé Auray au rang de premier port du Morbihan.

    Sur le port de Saint-Goustan, à Auray Philippe Bourget | cms

    Par le vieux pont sur la rivière, on grimpera dans la ville haute en suivant la rue du Château, scandée de boutiques de créateurs et d’artisans. Avant de musarder dans les halles d’Auray, « coincées » entre la mairie et l’hôtel de ville. Remises à neuf en 2023, elles abritent quelques belles « maisons » de bouche bretonnes, à l’image des huîtres Henry ou de la charcuterie Le Lavandier.

    Un sanctuaire mégalithique

    On l’aperçoit lors de la navigation dans le golfe du Morbihan. En longeant l’île de Gavrinis, plantée au sud-ouest de la baie, un grand cairn apparait, telle une colline artificielle. Le monticule de terre et d’herbe est haut de huit mètres et fait plus de 50 m de diamètre ! Dessous, il percé d’un tunnel de 14  m de long qui conduit à une chambre funéraire couverte d’une dalle de pierre longue de 4 m, de plus de 20 t.

    Le cairn de l’île de Gavrinis, site mégalithique le plus célèbre Philippe Bourget | cms

    Quel personnage important a été enterré sous ce monument, que l’on date d’environ 6.000 ans avant J.-C. ? Nul ne sait et c’est tout le mystère du néolithique, dont le golfe du Morbihan est l’un des hot spots français – les alignements de Carnac ne sont qu’à 30 mn de Vannes. Pour la visite, il faut réserver (site ouvert de mi-mars à  fin sept.). D’une durée de 2h30, elle comprend la traversée maritime aller-retour depuis Larmor-Baden, la découverte de l’île et du cairn et, depuis la mer, la vue et les explications sur l’enceinte mégalithique de l’île voisine d’Er Lannic, deux murailles en forme de fer à cheval datant de 3.500 ans avant J.-C.

    Le menhir brisé de Locmariaquer Philippe Bourget | cms

    Gavrinis n’est pas le seul monument néolithique du golfe. Sur l’île aux Moines, le cromlech de Kergonan est moins spectaculaire mais comprend tout de même une vingtaine de pierres levées disposées en arc de cercle. Plus au sud de l’île, deux dolmens se dressent près de la route principale, Kerno et Er Boglieux. Le second conserve quelques inscriptions. Il serait vieux de 6.000 ans.

    Le dolmen de la Table des Marchand, à Locmariaquer Philippe Bourget | cms

    Un second grand site néolithique est à voir absolument : Locmariaquer. Accessible en voiture depuis Auray en 20 mn (ou en bateau depuis Vannes), il comprend un ensemble constitué d’un grand menhir brisé, d’un dolmen et d’un tumulus. Chacun a été bâti à une époque différente. Le grand menhir, daté de 4.500 à 4.700 ans avant J.-C. est le plus vieux. Brisé en quatre morceaux, il s’élevait à 21 m et serait peut-être tombé suite à un séisme. Le tumulus d’Er Grah est impressionnant : 140 m de long au dessus d’une tombe, édifiée pour un seul personnage. Le dolmen de la Table des Marchands contient une chambre haute entourée de pierres savamment gravées. Mystérieux vestiges…

    Plage de Landrezac, Sarzeau

    Des plages et d’autres attractions phares…

    Difficile d’aller en Bretagne sans profiter des plages ! Coup de chance, le golfe du Morbihan dispose d’un grand secteur balnéaire, sur la presqu’ile de Rhuys. Fermant le golfe au sud, cette large pointe déroule côté océan de longues plages de sable, parfaites pour le farniente, la baignade et les sports nautiques (voile, kitesurf, foil, plaisance, kayak de mer…).

    Plages de Kerver et du Fogeo au Crouesty, plages de Port-Sable et de Port-Lenn à Port-Navalo, plages de Landrezac, des Beg Lann et du Roaliguen à Sarzeau (les plus belles !)… Le choix, immense sur ce littoral tourné plein sud, s’adresse aux voyageurs pour qui vacances rime avec indolence.

    Observation dans la réserve naturelle du marais de Séné Bourget Philippe

    Aux fans de découvertes originales, le golfe promet aussi des surprises. Côté paysages, on conseillera le marais de Séné. Cet espace de 530 ha, classée réserve naturelle, se découvre au fil de deux itinéraires pédestres tracés entre des vasières et des prairies. Au menu : l’observation d’oiseaux, avocettes, chevaliers, sternes, spatules, tadornes de Belon… Emportez des jumelles !

    Ostréapolis, centre d’interprétation dédié à l’ostréiculture Bourget Philippe

    Autre espace, cette fois en lien avec l’activité humaine : Ostréapolis. Ce tout nouveau centre d’interprétation dédié à l’huître, à La-Tour-du-Parc, fait appel aux sens pour dévoiler les richesses et le savoir-faire de l’ostréiculture locale. Animations vidéos, recyclage des coquilles, ateliers de cuisine… Le bonheur gustatif est dans l’huître.

    Le château de Suscinio Bourget Philippe

    L’Histoire a aussi laissé sa trace dans la région. En témoigne le château de Suscinio, formidable forteresse née au XIIIème s., entourée de douves et symbole de la puissance des ducs de Bretagne. Entre logis ducal et chemin de ronde, le visiteur plonge dans un parcours didactique, visuel, sonore et même olfactif, une façon de s’imprégner des légendes bretonnes d’un golfe décidément très atypique.

     

    Plus d’infos 

    Y aller

    Vols Bruxelles Charleroi-Nantes avec Ryanair.
    Puis location de voiture. Vannes est alors à 1h25 de route.
    En voiture, Vannes se trouve à 830 km de Bruxelles. Compter 8h30 de route

     

    Visites

    – Compagnie Navix : croisières dans le golfe du Morbihan. navix.fr

    – Site de Gavrinis. cairndegavrinis.com

    – Site mégalithique de Locmariaquer. site-megalithique-locmariaquer.fr

    – Réserve naturelle des marais de Séné. reservedesene.bzh

    – Ostréapolis. ostreapolis.bzh

    – Château de Suscinio. suscinio.fr

     

    Hébergements

    – Hôtel Le Marin

    A Auray, un charmant petit « hôtel de mer », cosy à souhait, au port de Saint-Goustan. Chambres doubles à partir de 85€. hotel-lemarin.com

    – Golfe Hôtel

    A Vannes, un hôtel moderne et confortable, proche du port. A partir de 80/85€ la nuit. golfe-hotel.com

    – Villa Kerasy

    Très joli boutique-hôtel dans une maison noble des années 1920, à Vannes, face à la gare. Décoration « esprit d’Orient ». A partir de 90€. villakerasy.com

     

    En savoir plus : morbihan.com

     

     

  • Cracovie, probablement le meilleur de la Pologne

    Cracovie, probablement le meilleur de la Pologne

    Le centre historique et le Rynek

    Du XIème siècle à 1596 et son transfert à Varsovie, Cracovie fut la capitale de la Pologne et le siège du royaume. Epargné par les guerres et le communisme, le centre historique fourmille de monuments hérités de ce rang. Et quels monuments ! Dans ce cœur urbain cerné autrefois de murailles – elles ont été remplacées au XIXème s. par les Planty, couronne de verdure relaxante qui le sépare des faubourgs -, le visiteur explore, ébahi, les bâtiments les plus prestigieux.

    Le château du Wawel et Basilique Cathédrale de Cracovie Gerald Villena

    L’ensemble de la colline du Wawel en est l’épicentre. S’y trouvent côte à côte le château royal et la cathédrale, témoins du partage des pouvoirs et haut lieu de l’identité polonaise. Site de couronnement et de sépulture des rois, la cathédrale égrène tombeaux et monuments des souverains autour de l’autel de Saint-Stanislas, saint-patron de la Pologne. Autour de sa cour centrale encadrée de galeries, le château, lui, a été transformé en musée dédié à la royauté et en lieu d’évènements.

    Le début de la rue Grodzka, artère principale de la vieille ville Philippe Bourget | cms

    Hors l’enclave du Wawel, le cœur historique bât tout aussi fort. Des hordes de touristes arpentent la colonne vertébrale que forment les rues Grodzka et St-Florian, irriguant tout le centre. A condition de ne pas être distrait par la profusion de boutiques, voici ce qu’il ne faut pas manquer : l’église Saints Pierre-et-Paul, modèle d’architecture baroque ; l’église Saint-André, le plus ancien édifice roman ; l’adorable rue Kanonicza et ses bâtiments des XIVe et XVe s., dont l’un abrite le Centre Jean-Paul II, dédié à sa mémoire – icône de la ville, il en fut l’archevêque avant d’être pape ; le Collegium Maius, siège de la prestigieuse université Jagellonne, où étudia Nicolas Copernic… et le futur Jean-Paul II ; les basiliques des Franciscains et des Dominicains, puissants ordres de cette ville religieuse.

    Le château de Wawel vu depuis la Vistule K. Skubala

    La rue Grodzka débouche sur le Rynek. C’est le foyer incandescent de Cracovie. Sur la plus grande place médiévale d’Europe (200 m x 200 m) se tient la prestigieuse Halle aux Draps et ses échoppes de souvenirs, symbole de la ville commerçante de jadis. Devant les terrasses de cafés et de restaurants, l’église Notre-Dame et le beffroi de l’Hôtel de Ville font office de totems. A voir et à entendre dans la première : le retable gothique de Veit Stoss (XVe s.), l’une des plus beaux et grands du monde, avec 200 personnages ; la ritournelle du hejnał, une mélodie jouée chaque heure par un trompettiste posté en haut d’une tour de l’église, interprétée depuis le 16ème s. et expression de l’indépendance de la ville.

    Le Rynek avec la Halle aux Draps et le beffroi de l’hôtel de ville Philippe Bourget | cms

    Le nord du Rynek est à l’unisson. Autour de la rue St-Florian, le musée des Princes Czartoryski (et sa célèbre peinture La Dame à l’Hermine, de Léonard de Vinci), la Jama Michalika (archétype du café-musée du XIXe s.), le théâtre Slowacki, la porte Saint-Florian et la Barbacane constituent le quinté de choc. Au-delà, la balade peut se poursuivre jusqu’au Stary Kleparz, authentique marché populaire de la ville.

    Vieilles maisons dans le quartier de Kazimierz Philippe Bourget | cms

    Kazimierz, héritage de la culture juive

    Rattaché à la ville au tournant du XIXe s., ce quartier diffuse une atmosphère autant historique que bohême. C’est ici que, dès le XIVe s., une première communauté juive s’implante. Elle va se développer et prospérer durant cinq siècles, jusqu’à la seconde guerre mondiale. Au point qu’en 1939 un quart des 250 000 habitants de Cracovie est de culture juive.

    Dans une rue de Kazimierz… Philippe Bourget | cms

    La persécution nazie va tragiquement décimer cette population, transférée dans le quartier voisin devenu ghetto de Podgórze (voir ci-dessous), puis déportée vers les camps de concentration – dont Auschwitz, situé à 60 km. Depuis 20 ans, alors que le souvenir du conflit de 39-45 s’estompe, ce quartier longtemps livré aux squats et à la délinquance retrouve son identité juive autour de lieux de culte et de mémoire et d’une indéniable animation boutiquière et touristique.

    Anciennes façades de magasins juifs de Kazimierz, transformés en restaurant Philippe Bourget | cms

    Il suffit d’arpenter les rues Mieselza, Józefa et Szeroka pour s’en convaincre. Les cafés et les restaurants de cuisine juive y côtoient les synagogues, les musées et centres de culture ashkénaze, deux cimetières juifs et une flopée d’adresses de bouche, de boutiques et de galeries branchées non ethniques où se mélangent touristes et jeunes cracoviens. Autour de la rue Szeroka (en réalité, une place), le restaurant casher Ariel est proche d’Hamsa, où l’on mange des spécialités orientales dans l’esprit « Tel-Aviv ». Les deux font face à la synagogue et au vieux cimetière juif Remu’h (l’un des plus anciens d’Europe), très fréquentés par les communautés juives orthodoxes étrangères, reconnaissables à leurs tenues vestimentaires typiques.

    Ancienne synagogue devenu café (Hevre) Philippe Bourget | cms

    La visite de Kazimierz passe aussi par la place Nowy. Hôte d’une rotonde où l’on vend dans des kiosques les célèbres zapiekanki (baguettes avec du fromage, du ketchup et de la ciboulette), elle est investie chaque dimanche par un marché aux fripes vintage, qui a retrouvé un allant auprès des touristes et des bobos. Depuis la place Wolnica où se dresse la grande bâtisse de l’ancien hôtel de ville du quartier, la rue Mostowa conduit à la passerelle design (piétonne et cycliste) Ojca Bernatka qui, par delà la Vistule, mène au quartier de Podgórze.

    Dans le musée de la Fabrique d’Oskar Schindler Philippe Bourget | cms

    Podgórze et Zabłocie, souvenirs du ghetto et cluster muséal

    Situé rive droite de la Vistule, ce quartier plus excentré conserve la mémoire tragique du génocide contre les Juifs de Cracovie, parqués ici à partir de 1941 puis déportés vers différents camps de concentration et de travail, dont celui de Płaszów, au sud-est de la ville. C’est aujourd’hui un vrai quartier cracovien, résidentiel, qui n’a pas (encore) succombé au tourisme de masse. Sur la Vistule, la passerelle Ojca Bernatka qui le relie depuis 2010 à Kazimierz assure toutefois une connexion facile qui induit de nouvelles habitudes.

    Musée Cricoteka, consacré Tadeusz Kantor Philippe Bourget | cms

    Cette place constitue un lien parfait avec la visite suivante, dans le quartier contigu de Zabłocie : le musée de la Fabrique d’Oskar Schindler. Aménagé dans l’ancienne usine éponyme et rendu célèbre par le film (1993) de Steven Spielberg, « La liste de Schindler », il rappelle le rôle crucial tenu par Oskar Schindler, le directeur allemand de cette usine de batteries de cuisine pour soustraire plus de 1 000 juifs à la déportation. Consacré plus globalement à Cracovie sous l’Occupation, le musée, aux commentaires non traduits en français, est certes très émouvant mais pâtit de l’exiguïté des salles d’exposition et de son atmosphère sépulcrale, sur fond de profusion d’informations.

    La passerelle design Ojca Bernatka et ses sculptures Philippe Bourget | cms

    Dans un autre genre, le MOCAK (2011) propulse le visiteur dans la création artistique polonaise. Constitué d’un nouvel édifice et de bâtiments d’usine réhabilités, le Musée d’Art contemporain de Cracovie met en scène les œuvres d’artistes du pays et organise des expositions temporaires très courues.

    La place Podgórski et l’église néogothique Saint-Joseph Philippe Bourget | cms

    Pour découvrir l’aspect très cracovien du quartier, on n’hésitera pas à se perdre autour de la place Podgórski. Autour de l’église néogothique Saint-Joseph, on découvrira des immeubles résidentiels des XVIIIe et XIXe s., un ou deux « bars à lait » authentiques de la ville (cantines héritées de la période communiste) et l’ambiance de village résidentiel de la colline située derrière l’église (rue Dembowskiego et parc Bednarskiego).

    Une ville ‘arty’ et ‘foody’

    Avec 160 000 étudiants pour 1 million d’habitants, des dizaines de nationalités (Français, Allemands, Italiens, Espagnols, Ukrainiens…) employées dans différents secteurs d’activités – les centres de services, le design… – et des valeurs européennes affichées avec force, rien d’étonnant à ce que cette ville de « professeurs », qui baigne depuis des siècles dans un climat artistique et intellectuel, soit une des cités les plus dynamiques d’Europe.

    Le jardin intimiste du café Eszeweria Philippe Bourget | cms

    Au-delà de ses richesses muséales et du nombre de théâtres (six), Cracovie est une ville d’intense culture urbaine. Ce secteur serait d’ailleurs le second pôle économique de la cité, après le tourisme. Le nombre de festivals organisés chaque année et l’armée de salariés du Bureau de la ville chargé de les organiser, 140 personnes, en témoigne : Festival Misteria Paschalia (Pâques) ; Fête des étudiants de Cracovie (une semaine en mai, le maire leur remet alors les clefs de la ville) ; Festival de la Culture Juive (juin) ; Festival de la Musique de Film (mai-juin, le plus grand du monde) ; Festival de la poésie (juin) ; Festival de musique classique (juillet) ; Festival d’été de jazz (juillet) ; Festival international de théâtre de rue (juillet) ; Unsound Festival (musique électronique, octobre) ; All Soul Jazz Festival (novembre)… Jusqu’au Forum des villes européennes, dont Cracovie sera l’hôte en juin 2025, consécration de son ouverture au Vieux Continent.

    Décoration design dans le récent hôtel de luxe H15 cms | cms

    Ce multiculturalisme se retrouve dans l’assiette. Aux restaurants traditionnels polonais servant dans des cadres chics les recettes immémoriales (soupes, pierogi…) s’ajoute une multitude d’adresses ethniques (arméniennes, lituaniennes, japonaises, coréennes…) et branchées, de lieux vintage, de marchés bios… Et chacun a forcément son idée sur le meilleur endroit du moment ! Dans Kazimierz, certains vous emmèneront dans les bars en vue Hevre (cadre vintage chic dans une ancienne synagogue) ou Eszeweria (vieux meubles en bois et jardin intimiste à l’arrière).

    Lipowa 6, un bar en vue du quartier de Zabłocie Philippe Bourget | cms

    Les fans de cafés-lecture vous inviteront à se poser à Austeria, un café-restaurant de cuisine juive également petite maison d’édition. Elle est devenue célèbre pour ses « livres à écrire », qui alternent pages d’auteur et pages blanches réservées aux commentaires du lecteur. Karakter pour les vins en biodynamie, Bottigliera 1881 (et sa récente déclinaison bistronomique, Buffet) pour goûter la cuisine 2 étoiles Michelin de Przemysław Klima… Kazimierz, quartier hipster gentrifié, est une mine d’or pour les dénicheurs de tendance.

    L’intérieur du bar francophile Les Couleurs Philippe Bourget | cms

    Podgorze n’est pas mal non plus. D’aucuns jurent que Luktung y est le meilleur « asiat » de la ville, tandis que les bobos vont faire leurs courses chaque samedi au marché bio-écolo Pietruszkowy, devant la piscine Korona. Même le centre historique est concerné : Pimienta est considéré comme le meilleur restaurant de viande de la ville et le récent hôtel de luxe H15 fait l’actualité avec son restaurant Artesse, remarqué aussi par Michelin. A Cracovie, la surprise est à chaque coin de rue.

    La façade du restaurant Austeria, à Kazimierz Philippe Bourget | cms

    Infos pratiques

    Y aller

    Vols Bruxelles Charleroi-Cracovie avec Ryanair (ryanair.com) et Bruxelles National-Cracovie avec Brussels Airlines (brusselsairlines.com).

    Visites

    Château royal du Wawel.

    Collegium Maius.

    Musée des Princes Czartoryski.

    Musée Cricoteka. 

    Fabrique d’Oskar Schindler. 

    MOCAK

    Hébergements-Restaurants-Cafés

    – Hôtel Golden Tulip Kazimierz

    Très bien placé dans le quartier (tram à deux pas), cet hôtel de chaine 4*offre un confort international standardisé.

    Hamsa. hamsa.pl/en

    Austeria. austeria.pl/en

    Hevre. facebook.com/hevrekazimierz

    Luktung. luktung.pl

    En savoir plus

    krakow.travel/fr

  • Rwanda : entre collines verdoyantes et trésors cachés pour visiteurs privilégiés

    Rwanda : entre collines verdoyantes et trésors cachés pour visiteurs privilégiés

    Il offre ainsi à des visiteurs privilégiés la singularité de ses paysages de collines, la richesse de ses cultures agricoles et l’amabilité de sa population, incitée, 30 ans après le génocide des Tutsis, à la réconciliation. Un voyage dans l’Histoire et la grande nature. Voyez plutôt.

    Gorille(s) dans le Parc national des volcans, une rencontre inoubliable. Philippe Bourget | cms

    Parc des Volcans, rencontre choc avec les gorilles

    Après deux heures d’ascension fatigante dans la roche volcanique et la végétation, nous tombons nez à nez avec eux, à 3 000 m d’altitude : les gorilles des montagnes ! Dans l’herbe drue, une famille est réunie autour du mâle, un « dos argenté » de 22 ans, de plus de 200 kg, affalé comme un seigneur. Impossible de ne pas éprouver un choc à la vue de ces géants des forêts, placides, sûrs de leur force, et si humains.

    Le guide nous avait prévenus : on ne doit pas les regarder dans les yeux s’ils s’approchent, il faut s’accroupir en cas de face à face et faire un bruit de gorge singulier pour montrer que l’on est venu en ami… Ces rois de la jungle ne sont pas craintifs – pourraient-ils l’être, d’ailleurs, au vu de leur vitalité suprême ? Nous sommes à moins de trois mètres d’eux, fascinés.

    Philippe Bourget

    La rencontre avec les gorilles est le nec plus ultra d’un voyage au Rwanda. Le « pays des mille collines », au relief tourmenté et forestier, est aussi doté de vraies montagnes. Parmi les plus hautes, à plus de 3 700 m d’altitude, il y a le volcan en sommeil Visoke. C’est là, sur les pentes de ce cône frontalier avec la République Démocratique du Congo (RDC) que vivent les quelques 1 000 gorilles des montages recensés au Rwanda, en RDC et en Ouganda.

    Culture vivrière sur les pentes du volcan Visoke Philippe Bourget | cms

    Avant que la primatologue américaine Dian Fossey ne vienne dans les années 1960-1980 étudier et défendre bec et ongles ces primates, jusqu’à s’opposer aux communautés locales et être assassinée en 1985 dans des circonstances jamais élucidées, il n’y avait que 250 gorilles. « Or noir » du Rwanda, ils sont désormais protégés avec pugnacité… et réservés à une minorité de riches, seuls à pouvoir s’offrir l’incroyable droit d’entrée du Parc national des volcans : 1 500 US$ le ticket ! A ce prix, l’émotion indélébile de voir ces animaux est hélas réservée à ceux qui en ont les moyens.

    Hôtel One & Only Gorilla’s Nest, quel luxe… Philippe Bourget | cms

    Plus accessible, on peut voir aussi, moyennant un droit d’entrée raisonnable, les singes dorés (100 US$), ainsi que la tombe de Dian Fossey (75 US$), inhumée dans la forêt tropicale auprès de ses chers primates.

    Les célèbres collines rwandaises, entre Nyanza et le Parc national de Nyungwe. Philippe Bourget | cms

    Parc national de Nyungwe, chimpanzés et sources du Nil

    Au sud-ouest du Rwanda, le parc national de Nyungwe, créé en 2005 et inscrit à l’Unesco depuis 2023, est l’autre grand territoire naturel de référence. Sur 1 019 km², il abrite près de 500 chimpanzés et une nuée de singes colobes estimée à plus de 500 individus. Voir ces derniers traverser la route juste avant l’entrée du parc, telle une marée blanche et noire guidée par un instinct grégaire insondable, restera à jamais pour l’auteur de ces lignes un moment marquant du voyage. Les colobes sont l’une des 13 espèces de singes comptabilisées dans le parc. Celui-ci est aussi réputé pour être une des sources lointaines du Nil. Dans cette forêt pluvieuse, les eaux ruissellent vers des rivières qui en alimentent d’autres, plus importantes. Toutes convergent vers le lac Victoria, source officielle du Nil Blanc.

    Singes colobes, dans le sud du Rwanda Philippe Bourget | cms

    Hors la traque des chimpanzés, organisée très tôt chaque matin en compagnie d’un guide qui accompagne un groupe de huit visiteurs maximum (le permis de visite, incluant l’entrée du parc et le guide, coûte 240 US$ par personne), Nyungwe, l’un des parcs les mieux aménagés pour le tourisme, promet d’autres surprises. Une marche en forêt d’environ 1h30 conduit ainsi jusqu’à un pont suspendu au milieu de la canopée (100 US $ l’entrée du parc + 40 US $ par personne).

    Pont suspendu dans la forêt du Parc national de Nyungwe Philippe Bourget | cms

    Sensibles au vertige, s’abstenir ! Ce sera l’occasion de découvrir les igishigishigi, ces fougères arborescentes immenses dont certaines souches sont âgées de plusieurs centaines d’années. Le parc prévoit d’inaugurer fin 2024 une zipline d’environ 2 km et un écolodge de 20 chambres. Il offre aussi la possibilité d’admirer, au cours d’une balade de 2h, la spectaculaire cascade Ndambarare (115 US$) et d’effectuer des sorties de birdwatching. Autre option : effectuer un trek de trois jours, avec hébergement en cabane forestière, pour 450 US$ par personne tout compris. Un forfait pour le coup plus abordable.

    La terrasse de l’hôtel One & Only Nyungwe House Philippe Bourget | cms

    Géré par African Parks, ONG internationale spécialisée dans le management de parcs nationaux et d’aires protégées en Afrique, Nyungwe a reçu près de 23 000 visiteurs en 2023. Parmi eux, on trouve surtout des Rwandais (qui payent un prix beaucoup plus modique), des Américains, des Belges et des Allemands.

    Au bord du lac Kivu, les pêcheurs travaillent toujours par trois barques pour pouvoir tendre un grand filet entre elles Philippe Bourget | cms

    Le lac Kivu et ses « bateaux-araignées »

    Toujours à l’ouest, le lac Kivu est le troisième point fort du pays. A la frontière avec la République Démocratique du Congo – des tensions existent entre les deux pays, en raison du soutien supposé du Rwanda à un groupe armé rebelle au Congo, le M23 -, cette étendue d’eau, l’une des dix plus grandes d’Afrique, s’apparente à une « Riviera du continent noir ».

    L’impression est confirmée par la présence de plusieurs villas fastueuses avec piscine, dominant les rives boisées de pins et d’eucalyptus qui dégringolent vers le lac. Depuis le Cleo Lake Kivu Hotel (18 chambres), un des hébergements de luxe dont le pays s’est doté pour loger ses touristes Premium, la vue sur la côte et les îles est absolument idyllique. Tôt le matin, on peut voir et entendre les pêcheurs, chantant et sifflant en cadence, rentrer sur leurs curieuses embarcations, trois barques longues et étroites liées par des pieux en bois afin de pouvoir étendre un large filet entre elles.

    Hôtel en construction au bord du lac Kivu Philippe Bourget | cms

    A la mesure de leur archaïsme, ces « araignées lacustres », équipées à la proue et à la poupe de longues perches pour aider à remonter les filets, sont d’un esthétisme incroyable. En lien avec les hôtels locaux, des prestataires proposent aux touristes d’embarquer à la nuit tombée avec les pêcheurs. Une excursion d’un autre temps à la lumière de lampes à pétrole, pour partager le quotidien de ces hommes qui traquent inlassablement les sambazas (petite friture), spécialité du lac.

    Embarcation de pêche au soleil couchant Philippe Bourget | cms

    On peut aussi louer des kayaks pour se faufiler entre les îles, comme celles du Chapeau de Napoléon ou aux Singes, près de la ville de Karongi. Jadis, les éleveurs faisaient traverser les chenaux entre deux îles à leurs bovins à la nage, quand le pâturage de l’une était épuisé. Ce « spectacle » est encore organisé pour les touristes. On peut enfin se baigner dans le lac Kivu. Mais prudence. Profond jusqu’à 480 m, il émane de ses abysses du gaz méthane toxique. Il est d’ailleurs récupéré de façon industrielle pour produire de l’électricité et alimenter une partie de la population rwandaise.

    Vendeuse sur le marché de Kimironko, à Kigali cms | cms

    Kigali, capitale barnum

    Passer d’un parc à l’autre amène à sillonner le pays tout entier. On découvre ainsi une nation de collines à plus de 1 000 m d’altitude, des villages ultra peuplés, des champs de manioc, de riz, de bananiers, de thé ou de café. Au bord des routes, des enfants en uniforme scolaire, des femmes portant des feuilles de manioc sur la tête, des vélos chargés de sacs ou de bois poussés à bout de bras par des hommes… Un pays à forte énergie humaine, où l’on gagne encore sa vie à la sueur de son corps.

    Cette déambulation routière mène nécessairement à Kigali, la capitale. Impossible de s’y retrouver dans son capharnaüm de quartiers intriqués, grimpant à l’assaut de collines. Pas de centre, ou plutôt si, des centres : celui de la gare routière, barnum humain et motorisé (les motos sont reines), bruyant et pollué ; celui de l’hôtel de ville, plus policé, tendance shopping et business. Cette capitale d’environ 1,5 million d’habitants, située au centre du pays, est propre. Ses rues sont bien goudronnées. Parmi les sites à voir absolument, il y a évidement le mémorial du génocide, rappel de ce drame absolu qui a vu la mort de plus 800 000 Tutsis, massacrés par les Hutus en 1994.

    Le mémorial du génocide à Kigali cms | cms

    Kigali offre aussi, ici et là, un beau vernis lifestyle. On croisera ainsi le chemin de quelques designers ou animateurs de la vie sociale : le Nyamirambo Women’s Center, coopérative d’intégration par le travail de femmes analphabètes ; le Nyo Arts Center, galerie d’art la plus en vue du pays ; le show room de Rwanda Clothing, boutique de déco, meubles et vêtements de la créatrice Joselyne Umutoniwase ; Uzuri K&Y, magasin d’un duo de chausseurs stylistes. Ils sont les ambassadeurs d’un pays qui, des gorilles aux artistes, font du Rwanda une destination « must do »… à condition d’en avoir les ressources.

    Pacifique Niyonsenga, artiste-peintre et musicien dans sa galerie Nyo Arts Center cms | cms

     

    INFOS PRATIQUES

    Y aller

    Vols avec escale à Paris CDG vers Kigali depuis Bruxelles, 3 fois par semaine, avec Rwandair. Environ 9h15 de vol. Personnel prévenant. Classe Business de 30 sièges. Pas de WiFi à bord. rwandair.com

    Formalités et infos

    Passeport valide. Aucune vaccination exigée. Pas de décalage horaire avec la Belgique. Monnaie : le franc rwandais (RWF). 1€ = 1 403 RWF. Climat : la meilleure saison pour s’y rendre court de juin à septembre (saison sèche).

    Visiter

    Mieux vaut passer par un voyagiste pour réserver les entrées et les visites dans les parcs, ainsi que les véhicules avec chauffeurs et les excursions.

    Hébergements

    – Kigali Serena Hotel : un établissement tout confort au cœur de la capitale. serenahotels.com/kigali

    – Kivu Cleo Hotel : à Karongi, ce très bel hôtel haut de gamme domine superbement le lac Kivu. Confort et calme assurés. cleohotel.rw

    – Five Volcanoes Boutique Hotel : on a aimé le cadre végétal de ce lieu situé aux abords du parc national des Volcans, idéalement placé pour aller voir les gorilles. Charme et atmosphère tropicale. fivevolcanoesrwanda.com

    Plus d’infos

    visitrwanda.com/tourisme

  • Estrémadure, voyage en Espagne inconnue

    Estrémadure, voyage en Espagne inconnue

    Cáceres, trésors de patrimoine

    Dans la galerie des villes espagnoles au riche patrimoine – et Dieu sait si elles sont nombreuses dans ce pays -, Cáceres n’apparait pas en tête de classement. Du moins pour les  étrangers. Les Espagnols, qui représentent 80% de la clientèle touristique de la région, ont de leur côté adopté depuis longtemps cette cité de 96 000 habitants, percluse de monuments historiques. Percluse ? Ce n’est rien de le dire. Inscrite au Patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1986, la vieille ville regorge de palais moyenâgeux et Renaissance, de tours médiévales, de monastères, d’églises et de chapelles. Et la plupart des façades portent les armoiries des illustres familles ayant régné sur la ville. Un décor de pierre et d’architecture remarquable qui vaut à Cáceres d’être régulièrement choisie pour le tournage de films historiques.

    Vue sur des églises du vieux centre de Cáceres Philippe Bourget | cms

    Ce patrimoine est hérité d’un passé enchevêtré. Habitée par les Romains et conquise au 12ème s. par les Arabes almohades, ces derniers l’entourent de remparts d’adobe (terre durcie) dont on peut encore voir la maçonnerie sur certaines constructions, comme les tours de la Yerba et del Aver. Reprise par les Chrétiens au 13ème s., Cáceres va alors s’enrichir grâce aux nobles, aux propriétaires terriens puis aux conquistadors rentrés riches d’Amérique, qui édifient églises et palais.

    L’église de San Mateo, dans le centre historique Philippe Bourget | cms

    Influences maure et chrétienne s’unissent dans ce dédale où s’imbriquent les styles roman, islamique, gothique du Nord et Renaissance. La balade à pied dans l’entrelacs de ruelles où s’élèvent ces édifices donne le tournis. Eglise San Mateo, monastère de Santa Maria de Jésus, casa Ovando Mogollón Perero-Paredes (transformée en hôtel Parador), palacio de las Ciguanas, palais Golfines de Abato… Tous ces lieux respirent la richesse et la noblesse.

    La co-cathédrale Santa María à g, et la Diputacíon Provincial au fond Philippe Bourget | cms

    Ce centre là est tout sauf figé. De nombreux hôtels et restaurants tendance (Atrio, du chef Toño Perez, trois étoiles au guide Michelin ; La Casa del Sol ; Madruelo…) occupent d’anciens palais. Hors remparts, on s’attardera dans la rue de los Caleros, tranquille avec ses maisons villageoises, et sur l’immense plaza Mayor, pour profiter de l’ambiance des terrasses de bars. Les fans d’art contemporain visiteront le récent (2021) musée Helga de Alvear, gratuit, où sont exposées notamment des œuvres de Goya (estampes), Vasarely, Paul Klee, Kandinsky, Miró, Buren, Tàpies, Ai Weiwei, Louise Bourgeois… Quant à la vie nocturne, elle se concentre dans un quartier nommé la zona Pizarro. Là abondent les discothèques. En journée, on pourra aussi s’y poser au bar Caballerizas, joli lieu branché autour d’un jardin-patio. Cáceres, une vraie découverte.

    La cathédrale de Mérida. Philippe Bourget | cms

    Mérida, la « Rome » espagnole

    Qui sait que Mérida est la ville d’Espagne à posséder le plus grand nombre de vestiges romains ? Capitale sous l’empereur Auguste de la province de Lusitanie, l’une des trois de la péninsule ibérique, elle regorge de monuments antiques, dont la plupart sont bien conservés. A l’époque, la cité est presque aussi peuplée qu’aujourd’hui – 60 000 habitants. Sa puissance est illustrée par deux constructions emblématiques, bâties côte à côte : le théâtre et l’amphithéâtre. Le premier pouvait accueillir jusqu’à 6 000 personnes. Reconstruit, son mur de scène est précédé d’une série de doubles colonnes de marbre au milieu desquelles trône la statue de Cérès, déesse de l’agriculture. Cette scène antique prestigieuse accueille chaque année en juillet et en août le réputé festival de théâtre classique. A côté, l’amphithéâtre est moins bien restauré mais il accueille tous les ans, lors des fêtes de Pâques, l’arrivée de l’impressionnant Via Crucis, un chemin de croix se déroulant dans le silence le plus absolu.

    Le théâtre romain de Mérida Xavier Allard – stock.adobe.com

    Ailleurs en ville, d’autres vestiges affleurent. L’hippodrome (circo romano) est l’un des mieux préservés du monde romain. Le temple de Diane trône superbement au centre-ville, de même que l’arc de Trajan. Le fleuve Guadiana, lui, est traversé par l’un des plus grands ponts romains jamais construits. Long de près de 750 m (on peut le traverser à pied), il a été réaménagé au 17ème s. Ce n’est donc pas étonnant que l’ensemble architectural de Mérida ait été aussi classé au Patrimoine mondial de l’Unesco. Il est normal aussi que la ville abrite le musée national espagnol d’Art Romain. Cette belle bâtisse en briques de l’architecte Rafael Moneo, aux collections rares (mosaïques, sculptures…) présentées dans de grands espaces, est d’ailleurs en cours d’extension pour abriter d’autres œuvres.

    Le pont romain sur la rivière Guadiana venemama – stock.adobe.com

    Privilégier les vestiges romains ne doit pas faire oublier de profiter de l’animation de cette ville, qui est aussi, à moins de 2h de route au nord de Séville, la capitale régionale de l’Estrémadure. Ceux qui ne jurent que par l’Andalousie seraient d’ailleurs bien inspirés de faire le détour.

    Philippe Bourget | cms

    Comme toutes les cités espagnoles, le centre ancien de Mérida vibre aussi de ses commerces et cafés. Le soir, on s’attardera sur la plaza de España, où les familles viennent prendre le frais et s’attarder aux terrasses. Pour le shopping, on remontera jusqu’au musée romain les deux longues calles piétonnes Santa Eulalia et Ramón Mélida, qui regorgent de boutiques en tous genres.

    L’hôtel Palace de Mérida datant du 15ème s Philippe Bourget | cms

    Au pays de la verte Espagne…

    Halte aux clichés sur l’Espagne du sud brûlée à longueur d’année par le soleil, sous des températures frisant les 40° C. Si cette réalité s’impose en été, elle est erronée le reste du temps. De l’automne au printemps, la région baigne dans un décor plutôt verdoyant, grâce aux deux grands fleuves qui la traversent, le Tage et le Guadiana, et à la présence de nombreux barrages. Voilà pour le portrait géographique d’une région encore rurale mais qui a tourné le dos à la pauvreté insigne qui était la sienne dans les années 70-80.

    Le Tage dans le Parc national de Monfragüe Philippe Bourget | cms

    On imagine donc des paysages brûlés par le soleil ibérique et on découvre, en mars, en avril, en décembre… des montagnes enneigées et de vastes paysages d’herbe et d’arbres. Surprise ! Près de Plasencia, une vallée incarne cette sève printanière : Jerte. Sertie entre les sierras de Gredos et de Béjar, aux sommets couverts de neige, sa forme en auge s’allonge sur plusieurs kilomètres jusqu’au col de Tornavacas (1 275 m). Surtout, plantés de plus d’un million et demi de cerisiers, les versants forment en avril un magnifique décor de fleurs blanches. Inutile d’aller au Japon voir les cerisiers en fleurs ! A l’image de Cabezuela de Jerte, les villages livrent de jolies ruelles bordées de vieilles maisons aux balcons en bois et des passages couverts. Sur les clochers d’églises, les cigognes ont fait leur nid, une constante dans cette région qui abrite près de la moitié de ces échassiers du pays.

    Vue sur la sierra de Béjar, depuis Jerte Philippe Bourget | cms

    Un autre territoire dévoile des paysages spectaculaires : la dehesa, dans le parc national de Monfragüe. La dehesa, ce sont d’immenses espaces de pâturages plantés, en mode clairsemé, de chênes verts et de chênes-lièges. De grands troupeaux de vaches mais aussi de moutons et de cochons noir s’y délectent d’herbe fraîche, contribuant à la qualité de la viande d’Estrémadure – dont le célèbre jamón ibérico. A l’instar de la région portugaise voisine d’Alentejo, le liège est aussi exploité pour fabriquer des bouchons.

    Une ferme dans le Parc national de Monfragüe Philippe Bourget | cms

    Le vin n’est pas absent. Longtemps considéré comme de piètre qualité, la production régionale s’est nettement bonifiée. A l’image du domaine Pago los Balancines, à Oliva de Mérida, sous l’appellation Ribera del Guadiana. Son vin rouge biologique Haragan 2018 a obtenu un « Double d’Or » au concours international des vins de San Francisco, en 2023. Le parc de Monfragüe est aussi une des destinations majeures du tourisme ornithologique en Europe. Traversé par le Tage, il abrite cigognes noires, vautours fauves et noirs, aigles impériaux… et plus de 400 espèces d’oiseaux différents. Un hot spot pour les naturalistes.

    La porte de Trujillo, du 13ème s., à Plasencia Philippe Bourget | cms

    Plasencia, Trujillo, Zafra, trio urbain de choc

    Les villes d’Estrémadure ont de la ressource. Après les divines surprises de Cáceres et de Mérida, ces trois cités de taille plus modeste possèdent un intérêt patrimonial et historique évident. Porte d’entrée de la vallée du Jerte (voir plus haut), Plasencia est la plus au nord des trois. Première ville visitée quand on arrive de Madrid, elle plonge immédiatement dans une profusion architecturale, héritée d’une culture entremêlée. Remparts médiévaux entourant la vieille ville, souvenir de l’alcazar arabe, ancienne et nouvelle cathédrale siamoises, ancien quartier juif, palais et couvents… La balade plonge dans le passé atypique de l’Espagne du Sud, terre d’influence entre les Chrétiens et les musulmans, entre la noblesse et le clergé.

    Maison fortifiée dans la ville haute de Trujillo. Philippe Bourget | cms

    Il ne faut pas pour autant oublier de profiter de la sociabilité légendaire de l’Espagne. A Plasencia, tout se concentre sur la plaza Mayor, vaste agora rectangulaire entourée d’arcades où bars et restaurants déploient leurs terrasses. Moment de détente assuré en fin de journée autour d’une bonne cerveza. On aime aussi beaucoup Trujillo. Sur la plaza Mayor de cette petite ville (moins de 9 000 habitants) située entre Plasencia et Mérida, se révèle une richesse patrimoniale inattendue, issue de fortunes rapportées… des Amériques.

    Vue sur une église de la ville haute de Trujillo depuis l’alcazaba (château) Philippe Bourget | cms

    L’Andalousie est en effet très proche et quelques Estrémaduriens de la noblesse ont embarqué jadis pour le Nouveau Monde. A Trujillo, un nom domine tous les autres : Francisco Pizarro. Le « découvreur » du Pérou et fondateur de Lima, fossoyeur de l’Empire Inca, est né à Trujillo. Sa statue équestre trône fièrement sur la plaza Mayor. Partout dans la ville haute et basse, sous le château médiéval, les demeures seigneuriales, aujourd’hui des domaines privés cachés derrière de hauts murs, témoignent des richesses accumulées. Certaines ont été transformées en boutiques-hôtels historiques, à l’image de la Posada dos Orillas, splendide demeure vieille de six siècles.

    Une ruelle aux maisons blanches à Zafra Philippe Bourget | cms

    Tout au sud de l’Estrémadure, on marquera une halte prolongée à Zafra. La blancheur des façades, les portes en ferronnerie, la réputation de la plaza de toros… Pas de doute, l’Andalousie est proche ! Zafra est connue pour sa foire de l’élevage de San Miguel, chaque année fin septembre, depuis… 1453. Ne pas manquer non plus de déambuler dans la vieille ville, entre la plaza Grande et la plaza Chica. Les deux sont connectées par un passage sous voûtes, soutenu par d’authentiques piliers en pierre. Un esthétisme unique, à l’image de cette région d’Espagne qui ne mérite plus d’être le parent pauvre du pays.

    Plus d’infos

    Office de tourisme d’Estrémadure. turismoextremadura.com

    Y aller

    En avion, vols vers Madrid depuis Bruxelles, puis location de voiture et 265 km (2h30 de route) jusqu’à Plasencia, première ville majeure au nord de l’Estrémadure. On peut aussi repartir de Séville vers Bruxelles.

    Visiter

    Découverte de la région en voiture, du nord au sud. Les routes sont de très bonne qualité.

  • Méconnue, l’Eure terre normande des impressionnistes et des jardins

    Méconnue, l’Eure terre normande des impressionnistes et des jardins

    Village de Giverny Julie Marcy

    Giverny, la belle affiche villageoise

    Ce village du Val de Seine, à 1h30 de route au nord-ouest de Paris, a été rendu célèbre par le peintre Claude Monet, « inventeur » de l’impressionnisme. Habitant de la commune de 1883 à sa mort, en 1926, il a révélé ce style en 1873 avec « Impression, soleil levant », une toile exposée de nos jours au musée Marmottan (Paris). Par ses touches subtiles, elle allait donner naissance à l’impressionnisme. Ce courant de peinture revendiquait une nouvelle manière de peindre le paysage, par l’évocation (« l’impression ») plutôt que par le réalisme, un contraste radical avec les représentations académiques précédentes.

    Maison à Giverny © Jeremy Janin

    On commencera par la visite de la maison et des jardins du maître, au bout d’un village-rue qui s’étire sur plus de 7 kilomètres. Après le Mont-Saint-Michel, c’est le deuxième site le plus fréquenté de Normandie. Restaurée dans les années 1970, la maison crépie de rose évoque la vie privée du peintre et son univers artistique. Salon de lecture, atelier (avec reproduction de ses tableaux), cuisine, salle à manger, appartements privés… Ces pièces semblent encore vibrer de sa présence. Les jardins sont le joyau du lieu. Peintre-jardinier, Monet perfectionne le potager et la pommeraie qui entourent la maison et plante cerisiers, abricotier du Japon, tulipes, jonquilles, pivoines, iris… En toutes saisons, mais surtout au printemps, c’est un enchantement visuel et olfactif.

    Jardins Monet – Bassin aux Nymphéas Aurelien Papa

    Merveille du site, le jardin d’eau a été entièrement créé par le peintre. Sa fascination pour l’eau l’amène à créer cet étang sur lequel il fait édifier un pont japonais, peint en vert et entouré de végétaux orientaux (bambous, ginkgos bilobas…). Il plante aussi les fameux nymphéas, des nénuphars qui deviendront mondialement célèbres grâce à ses toiles fleuries que l’on retrouve dans les plus grands musées du monde.

    Le port de Camaret, par Eugène Boudin Philippe Bourget | cms

    Des tableaux de Monet sont aussi à contempler jusqu’au 30 juin 2024 au Musée des Impressionnismes. Après avoir parcouru à pied le village et découvert ses belles villégiatures bourgeoises, la visite de ce musée s’impose. A l’occasion des 150 ans de la naissance de l’impressionnisme, il présente l’exposition-évènement « L’impressionnisme et la mer », une sélection de 80 œuvres des plus grands peintres de ce courant. Aux côtés de Claude Monet, on pourra admirer des toiles exceptionnelles d’Eugène Boudin, Pissarro, Corot, Renoir, Courbet, Guillaumin, Jongkind… Une « expo » par thèmes (falaises, ports, marée basse, tempêtes…) où trône l’illustrissime « Marée basse aux Petites Dalles », de Monet, avec sa falaise de craie brillant de mille éclats au soleil de l’été.

    Jardins Monet Aurelien Papa

    Domaine du Champ de Bataille, le palais de Jacques Garcia

    Des batailles, le célèbre décorateur et architecte d’intérieur Jacques Garcia en a mené, au long d’une carrière d’exception qui n’est pas encore achevée. A 76 ans, l’homme qui a magnifié tant de lieux sur tous les continents (des palais, des résidences de richissimes particuliers et des hôtels, dont Le Mayfair, à Bruxelles) a accompli en Normandie sa grande œuvre personnelle : Champ de Bataille. Ce château classique et campagnard, situé à 50 kilomètres au sud de Rouen, n’était plus que l’ombre de lui-même. Un crève-cœur pour une demeure dessinée par Louis Le Vau, premier grand architecte du Versailles de Louis XIV,  et aux jardins conçus par Le Nôtre, référence absolue en matière de parcs à la française.

    Domaine du Champ de Bataille. Le château cms | cms

    Racheté par le décorateur en 1992, Champ de Bataille est devenu à coups de restauration méticuleuse, au fil de longues années de travail, un fabuleux palais Grand Siècle, autant pour la profusion du mobilier et des objets d’art qui remplissent ses pièces que par l’excellence du travail jardinier. Dans le château, dont une partie privée est habitée par Jacques Garcia, on s’incline devant la débauche de détails : l’incroyable bestiaire de la galerie animale et ses centaines de spécimens, de l’éléphanteau empaillé aux papillons, en passant par les insectes et les poissons ; le lustre des cuisines et leur profusion de cuivres, dans le sous-sol voûté de briques ; le mobilier époustouflant des salons de l’étage ; la bibliothèque croulant sous les ouvrages d’art et littéraires ; le charme des salons aménagés sous les serres, où le décorateur aime se poser…

    Salon d’étage Philippe Bourget | cms

    Dehors, les immenses jardins à la française respirent la perfection. Entre charmilles, ifs taillés, bassins, vasques et buissons d’art topiaire, ils incarnent cette grâce symétrique qui fait l’originalité des jardins français. On pourra remonter ainsi la large allée centrale jusqu’aux Marches, hissant vers la cascade et le grand canal, ouvrant la plus belle perspective sur le château.

    Le Pavillon moghol Philippe Bourget | cms

    Les jardins anglo-indiens et leur Pavillon moghol, eux, transpirent un exotisme asiatique qui révèle les sources d’influence de Jacques Garcia, passionné par l’Orient. Si le Pavillon ne s’ouvre que lors d’évènements privés ou à l’occasion des Journées du Patrimoine, en septembre, les jardins anglo-indiens se laissent découvrir librement, un espace où se niche la Vallée aux Fleurs et ses plus de 900 plantes différentes, dont la pleine maturité est attendue en 2025.
    Le Domaine du Champ de Bataille abrite un café-restaurant et huit chambres d’hôtes, une parenthèse de luxe dans l’univers d’excellence de Jacques Garcia.

    Arboretum d’Harcourt Aurelien Papa

    Harcourt, un château double et le plus vieil arboretum de France

    Un autre château mérite indiscutablement une visite : Harcourt. Situé à seulement 7 kilomètres de Champ de Bataille, ce domaine départemental posé entre les villes d’Elbeuf et de Bernay raconte une double histoire : celle d’un château médiéval transformé en palais résidentiel au 17ème s. et d’un parc-jardin abritant ce qui est considéré comme le plus vieil arboretum de France.

    Château d’Harcourt Philippe Bourget | cms

    Le château raconte plus de 1 000 ans d’Histoire et la saga d’une seigneurie locale, les d’Harcourt. L’empreinte militaire médiévale est illustrée par les remparts, les fossés secs, une basse-cour ovale et un châtelet sur voûte reliant deux tours jumelées, remontant à la fin du 11ème s. Au 15ème s, le châtelet deviendra le siège de la justice du Comté local. A côté se dresse le château, également d’origine médiévale mais fortement remanié au 17ème s. en demeure de plaisance. Cheminées, parquets et appartements confortables témoignent de cette évolution vers un usage de villégiature. En rénovation, le château ne retrouvera tous ses attributs et ses visiteurs qu’en 2027 mais l’on peut d’ici là le contourner à pied et pénétrer dans la basse-cour.

    Arboretum d’Harcourt Aurelien Papa

    L’autre intérêt majeur d’Harcourt est son arboretum. Les premières plantations d’arbres dans le parc du château remontent au début du 19ème s., par un propriétaire parisien devenu cultivateur-forestier. L’homme y introduit plusieurs variétés d’épineux, dont de nombreux pins. Repris en 1828 par l’Académie d’Agriculture de France, le parc est transformé en arboretum, une vocation jamais démentie depuis. Cela lui vaut de posséder des espèces rares et anciennes, introduites depuis l’Europe mais aussi d’Amérique du Nord et d’Asie. Ouvert au public depuis 1967, on y découvre un véritable musée végétal. Sur 11 hectares, on compte ainsi près de 3 000 arbres et arbustes de 500 espèces différentes (cèdres du Liban, sapins, épicéas, mélèzes, tulipiers de Virginie, hêtres tortillards…). Certains ont entre 150 et 200 ans, d’autres mesurent plus de 40 m de haut, à l’image de certains séquoias.

    Harcourt est aussi un lieu de recherche. Le domaine abrite un arboretum de peuplement dont les essences sont étudiées pour vérifier leur aptitude à entrer dans des schémas de reboisement des forêts françaises. Entre le château, l’arboretum et les allées ombragées, Harcourt vaut largement 2 à 3 heures de visite, notamment au printemps quand la végétation exulte.

    Le Bec Hellouin Aurelien Papa

    Au fil de la campagne normande…

    Impossible d’aller en Normandie sans se perdre dans son terroir et ses petites routes bucoliques. Au printemps, l’Eure devient poésie. Les pommiers en fleurs, les chaumières à colombages, les vaches et les chevaux, les pistes cyclables et les sentiers, les rivières d’argent… Au-delà des sites muséaux et des châteaux, le département normand fleure bon le tourisme slow et la contemplation.

    Le Bec Hellouin Jeremy Janin

    Pour « l’impressionnisme », on sera comblé. Une myriade de petites routes bocagères sillonnent la campagne de l’Eure. Celles des « fruits » et des « chaumières », sur la rive gauche des boucles de la Seine, offrent un condensé magnifique de paysages normands. Du Marais Vernier aux portes de Rouen, ces deux itinéraires sautent de vergers en longères (fermes normandes), de marchés en petites adresses gourmandes. En avril et mai, pruniers, poiriers, fraises, cerisiers et pommiers enchainent les floraisons, avant que les fruits ne prennent le relais sur les arbres puis sur les étals.

    Paysages de l’Eure Aurelien Papa

    Si l’on manque de temps pour emprunter ces routes, des tronçons plus courts en font une belle synthèse. C’est le cas des quelques kilomètres qui séparent Brionne du village de Bec Hellouin. Le long du ruisseau du Bec, prés verts, chaumières et petits champs fruitiers se succèdent avec harmonie. Et puis, bonne pioche : au bout de la route, Le Bec-Hellouin est classé parmi « Les Plus beaux Villages de France ». Le puissant clocher blanc de son abbaye domine la vallée verdoyante, aux côtés de maisons pimpantes à pans de bois transformées ici et là en cafés et en boutiques.

    En s’égarant dans cette campagne, on s’arrêtera à Bernay, Ville d’Art et d’Histoire, ou à Le Neubourg. Chaque mercredi se tient dans cette commune un marché, l’un des plus importants de l’Eure. Il respire la Normandie du terroir. Sur la place, entre l’église du 15ème s. (surnommé la « cathédrale des champs ») et les vestiges du château, les spécialités locales (saucisses…) côtoient les produits fermiers (volailles, primeurs…). Le village d’Harcourt, près du château éponyme (voir plus haut) mérite aussi une halte. De coquettes maisons normandes à colombages et une ancienne halle médiévale devenue mairie, sur la place du Général Chrétien, se tiennent au pied de l’église Saint-Ouen, sous le clocher (pointu) duquel s’abritent une salle de charité et des vitraux du 19ème s. Autre exemple de « petit patrimoine » normand d’un département qui mérite une escapade de deux à trois jours depuis Paris.

     

    Infos pratiques

    – Domaine du Champ de Bataille, à Sainte-Opportune du Bosc. chateauduchampdebataille.com

    – Domaine d’Harcourt, à Harcourt. harcourt-normandie.fr

    – Musée des Impressionnismes, à Giverny. Expositions : « L’impressionnisme et la Mer », jusqu’au 30 juin ; « Hiramatsu Reiji. Symphonie des Nymphéas », du 12 juillet au 3 novembre.mdig.fr

     

  • En Jamaïque, des tropiques encore plus exotiques

    En Jamaïque, des tropiques encore plus exotiques

     

    Du nord au sud, une côte caraïbe aux multiples visages

    Située en zone intertropicale, la Jamaïque coche toutes les cases d’un séjour balnéaire réussi. Cela d’autant mieux qu’ici, sur la mer des Caraïbes, il y en a pour tous les goûts. De Montego Bay à Oracabessa en passant par Ochos Rios, la côte nord est de loin la plus touristique.

    Plage de Ocho Rios

    Le long des 120 km de littoral se concentre la plupart des hôtels-resorts. Comme en « Rép Dom » ou sur la Riviera Maya mexicaine, les marques Zoëtry, Sandals, Iberostar, Bahia Principe… ont pignon sur rue, avec leurs habituelles prestations all inclusive : restaurants de plage, piscines, activités nautiques… et toute l’intendance que recherchent les clients en quête de confort et d’une prise en charge totale de leurs besoins.

    Preuve que ce tourisme là a le vent en poupe, un Hard Rock Hôtel doit ouvrir en 2025 à Montego Bay. C’est aussi sur cette côte, à Oracabessa, que se trouve le mythique hôtel Golden Eye Resort. Sur une propriété ayant appartenu jadis à Ian Fleming, le romancier britannique créateur du personnage de James Bond, une quarantaine de villas et de cottages de luxe attend les clients aisés. L’hôtel a été créé par l’actuel propriétaire du site, Chris Blackwell, le légendaire producteur anglais de Bob Marley. Il faut ajouter à ce panorama touristique la station balnéaire de Negril, à l’extrême ouest de l’île. Elle est connue pour son enfilade d’hôtels, restaurants et bars musicaux le long du célèbre 7-mile Beach.

    Baigneurs à Treasure Beach, au sud-ouest de l’île Philippe Bourget | cms

    Plus authentique, la côte sud-ouest plaira aux touristes cherchant une immersion réellement jamaïcaine. Treasure Beach en est un bel exemple. Les boutiques-hôtels et commerces de cette station balnéaire s’insèrent dans un paysage préservé, constitué de ports de pêche et de petites exploitations agricoles (voir 3/ « Une île intérieure pleine de surprises »). Un hébergement, en particulier, correspond à cette image : le Jakes Hotel. Ses bungalows colorés disséminés sous la végétation en font un lieu d’esprit 100% local.

    Le Jakes Hôtel sur la côte sud. Philippe Bourget

    Près de là, à Crawford, on découvrira un espace de nature remarquablement préservé : MalcomBay. La communauté locale protège ce sanctuaire marin, soit près de 5km de côte vierge à mangrove. En bateau à moteur avec les pêcheurs locaux, on pourra y observer lamantins et tortues marines. Il restera à embarquer à nouveau pour aller boire un rhum au Pelican Bar, un « café » de planches sur pilotis situé à quelques encablures du rivage, tenu par le charismatique rasta Floyd.

    Bongo Herman, percussionniste jamaïcain et ami de Bob Marley dans la maison-musée de l’artiste à Kingston. Philippe Bourget | cms

    Le reggae, Bob Marley et la culture rasta

    Qu’évoque la Jamaïque pour celui qui n’y est jamais venu ? Forcément, le reggae et Bob Marley ! Roi de ce genre musical créé dans Trenchtown, un quartier pauvre de la capitale, Kingston, Bob Marley, disparu à 36 ans, reste à jamais le « premier » et une fierté absolue pour les Jamaïcains. Il n’est qu’à voir le nombre de portraits à son effigie, peints sur les murs ou imprimés sur les tee-shirts portés par des hommes dans la rue. Alors si l’on vient à Kingston (1,25 million d’habitants pour 3,2 millions dans le pays), capitale qui n’est plus le coupe-gorge décrit dans les années 80, ce n’est pas seulement pour découvrir la belle demeure d’architecture géorgienne Devon House ou se balader dans Downtown afin d’admirer les œuvres de street art – certaines représentent d’ailleurs des artistes de reggae. C’est aussi et surtout pour visiter la maison-musée de Bob Marley, sur les hauteurs de la ville, près de Jamaica House, la résidence du premier ministre.

    La statue de Bob Marley devant sa maison-musée, à Kingston. Philippe Bourget

    On vient de partout en pèlerinage dans ce lieu où toute la vie de l’artiste est exposée. Des photos, des lettres, des disques d’or, des objets personnels, son studio d’enregistrement… s’offrent au public sous les commentaires et les reprises émouvantes des chansons du maître par le guide Ricky, un pur rasta, qui fut ami de Bob Marley. Vous voilà au cœur de la légende – yeah man ! -, avec en prime la présence d’un coffee-shop. Au-delà du musée, la culture rasta reste omniprésente en Jamaïque. Le look caractéristique, avec dreadlocks, bonnet de laine enveloppant aux couleurs de la Jamaïque et spliff de ganja à la bouche, est toujours d’actualité !

    Devon House, belle demeure géorgienne, à Kingston, de George Stiebel, « premier Noir millionnaire », à la fin du 19ème s. Philippe Bourget

    Pour continuer l’expérience, on pourra séjourner au Jakes Hôtel . L’établissement abrite deux restaurants, dont le célèbre Jack Sprat. Dédié au reggae et à Jimmy Cliff, il rappelle que l’hôtel est la propriété du fils du réalisateur jamaïcain Perry Henzell, qui a tourné un film dans lequel le célèbre musicien de reggae, toujours en vie, a joué. Pour aller encore plus loin, on ne manquera pas le détour par le Rastafari Indigenous Village, l’un des derniers camps retranchés rastafariens de l’île. Près de Montego Bay, dans un bout de vallée perdue à l’écart d’une « Babylone » qu’ils considèrent comme dévoyée, une poignée de rastafaris y vit d’autosuffisance, entre musique kumina (à base de percussions), nourriture végétarienne et spliffs – cigarettes de ganja. Si le cœur vous en dit, on peut même y effectuer une retraite, dans des bungalows conçus pour les touristes.

    Belle maison-hôtel dans les Blue Mountains. Philippe Bourget | cms

     Une île intérieure pleine de surprises

    Cascades et vasques pour se baigner, rivières à descendre en bateau, en radeau ou en canyoning, visite de fermes locales et découverte de spécialités culinaires… La découverte de la Jamaïque « intérieure », au-delà du cas des Blue Mountains est une mine d’or.

    Blue Hole, à Island Gully Falls, un des sites naturels les plus beaux de Jamaïque. Philippe Bourget | cms

    Au sud-ouest, entre Treasure Beach et Black River, la végétation raréfiée et une terre riche a fait émerger à une petite économie paysanne. Au pied des Santa Cruz Mountains, des tours en scooters accompagnés permettent d’aller à la rencontre de fermiers. On en croise plusieurs, occupés à surveiller dans les champs autour de leurs cases en bois la croissance du coco (une grosse tubercule), du thym (!), des pears (avocats), des sauer soaps, des naseberries, du jum plum… Tout ou presque pousse dans ce secteur, considéré comme l’un des « jardins maraichers » de Jamaïque.

    Dans les Blue Mountains… cms | cms

    Plus loin dans ces terres du sud-ouest, on s’arrêtera à Middle Quarters pour déguster sur le bord de la route les pepper schrimps, des crevettes pêchées dans la rivière locale, assaisonnées au poivre. Pour le fun, on ira sur le site des YS Falls, un ensemble de cascades rafraîchissantes qui dévalent le long d’un bras de la Black River, aménagée ici avec des bassins et des gazébos (pavillons de jardin) pour le pique-nique. Pour le frisson, on poussera jusqu’au port de pêche de Black River, histoire de naviguer sur la rivière éponyme et d’observer de rares oiseaux ainsi qu’une colonie de crocodiles. Si l’on aime le rhum, bonne pioche ! La Jamaïque en produit et deux distilleries, notamment, ouvrent leurs portes aux touristes : Hampden Estate, près de Falmouth (nord-ouest) et Appleton Estate, proche de Santa Cruz (centre-ouest). Dans un décor digne du 19ème s., la première produit un pure single d’excellence et présente aussi dans sa boutique… une paire de chaussures d’Usain Bolt. Le champion jamaïcain, voisin originaire de Falmouth, les a dédicacées et offertes à la fabrique.

    Descente en radeau de bambous de la Martha Brea River, au nord-ouest de l’île. Philippe Bourget | cms

    Au nord-est de l’île, les distractions dans les vallées intérieures ne manquent pas non plus. On dénichera avec peine, dans les hauteurs d’Ocho Rios, le vrai Blue Hole, un trou d’eau d’un bleu intense, réceptacle d’une cascade s’échappant d’une rivière de montagne. Le site, nommé Island Gully Falls, est de toute beauté et bien équipé. A l’orée du Cockpit Country, l’un des territoires les plus isolés de Jamaïque, au nord-ouest de l’île, on testera la descente en radeau. Sur la Martha Brae River, des bateliers, comme dans l’ancien temps, font glisser leur embarcation légère sur la rivière ombragée, en poussant sur une longue perche en bois. Comme touriste, c’est une façon originale de s’immiscer dans les replis de la forêt

    Un village perché dans les Blue Mountains. Philippe Bourget | cms

    Les Blue Mountains, fertile forêt pluviale

    On peut sans complexe mettre cette région à part tant elle concentre un maximum d’intérêts naturels et culturels particuliers. Situé à l’est de l’île, dominant Kingston, ce massif montagneux culminant à 2 256 m d’altitude est difficile d’accès. Depuis la capitale, de mauvaises routes étroites et tortueuses partent à l’assaut des versants, grimpant au milieu d’une végétation qui semble vouloir avaler le bitume. Luxuriantes et noyées de brumes, soumises à des pluies soudaines et violentes, les Blue Moutains se prêtent aux randonnées et aux trails, en particulier dans le Blue and John Crow Mountains National Park. Sous un air frais agréable qui fait oublier la chaleur étouffante de Kingston, à 1 250 m d’altitude, quatre trails sont accessibles aux marcheurs depuis l’une des entrées du parc, nommée Holywell. Ce sera l’occasion de croiser deux des symboles du pays : l’arbre national, le Blue Mahoe, une variété d’hibiscus ; l’oiseau  national, le Red-billed Streamertail, un colibri.

    Cueillette du café Philippe Bourget | cms

    Les Blue Mountains sont aussi la région du café. Et quel café ! La variété d’arabica qui pousse ici est l’une des plus chères du monde et produit un café doux mais fort en goût et dépourvu d’amertume. Plusieurs fermes caféières se visitent, comme l’UCC Blue Mountain Coffee Craighton Estate, à Irish Town. Les balades dans les plantations permettent en prime de profiter de vues panoramiques superbes sur la capitale et la côte. Quelques hôtels et lodges, disséminés sur les hauteurs, offrent l’occasion de passer une ou deux nuits hors du temps.

    Les cascades de Blue Mountains

    Cette « jungle amicale » cache aussi d’autres surprises. On sera étonné d’apprendre que le massif abrite encore des villages « marrons », du nom de ces descendants d’esclaves échappés jadis des plantations, réfugiés dans les hauteurs et vivant en communautés. On pourra vivre aussi l’étonnante expérience d’un petit-déjeuner au Pretty Close 876, à Gordon Town. Il s’agit d’un « restaurant » aménagé sous une case, posé au creux d’un torrent, dans une vallée cachée des Blue Mountains. On y déguste, sur réservation, une excellente cuisine traditionnelle i-tal (végétarienne). Aller dans les Blues Mountains, c’est découvrir un nouveau pays !

    Infos
    Office de tourisme de la Jamaïque. visitjamaica.com

    Y aller
    Vol TUIFLY au départ de Bruxelles vers Montego Bay, le jeudi. tuifly.fr

    Formalités
    – Il est nécessaire de compléter un formulaire en ligne pour l’Immigration et les Douanes avant le départ. enterjamaica.com
    – Décalage horaire : en hiver – 6 h ; en été – 7 h.
    – Monnaie : le dollar jamaïcain (JA$). 1€ = env. 164 JA$. On peut aussi payer en dollars US.
    – Electricité : Prévoir des adaptateurs avec 2 pôles plats.

  • A Valence la modernité réveille les traditions

    A Valence la modernité réveille les traditions

    S’il n’y avait pas eu la révolution architecturale entamée en 1998 et l’accueil de l’America’s Cup en 2007, sans doute Valence serait-elle encore une ville « secondaire », rangée au rayon d’une destination de passage sur la route de l’Andalousie. Mais la troisième cité d’Espagne a su forcer son destin pour apparaître aux yeux du monde comme branchée et culturelle. L’explication tient en deux mots : audace urbanistique.

    Cité des Arts et des Sciences

    La Cité des Sciences

    Sur l’ancien lit du Turia, le fleuve détourné pour cause d’inondations destructrices, les grands noms de l’architecture ont érigé la Cité des Arts et des Sciences, un complexe culturel et de loisirs composé de bâtiments ultra contemporains. Musée des Sciences Príncipe Felipe, Umbracle (jardin-palmeraie), Oceanogràfic, Palais des Arts Reina Sofía (œuvre de Santiago Calatrava qui a également crée la gare Liège-Guillemins) et Hemisfèric. Conséquence : ces cinq OVNI architecturaux composent ce pôle avant-gardiste de Valence rendant ce lieu de visite absolument incontournable.

    Les jardins du Túria

     A vélo sur le lit du Túria

    Ce n’est pas tout, d’autres projets sont sortis de terre à Valence. Jeté entre le Musée des Sciences et l’Oceanogràfic, l’Assud de l’or, un pont effilé sur le Turia, envoie sa flèche blanche et ses haubans aux faux airs de harpe à 125 m dans le ciel. Et L’Agora, une conque de verre et de métal destinée à recevoir de grands événements sportifs et culturels rivalise à côté de symétrie et de finesse. Tous deux ont également été dessinés en 2010 par l’inévitable Calatrava, bâtisseur prodigue et enfant de Valence.

    La meilleure façon de découvrir cette ville dans la ville est le vélo : le lit du Túria s’est transformé en coulée verte avec allées, bassins, jardins et fontaines. L’occasion de traverser Valence sur 8 km, à l’écart de l’agitation urbaine. Vous pourrez ainsi pédaler dans ce corridor protégé jusqu’au parc de Cabecera et au Bioparc, un concept novateur de zoo urbain et écologique. Originalité : il a été pensé pour rendre invisibles les barrières entre les visiteurs et les animaux.

    Le port branché de Valence

     Fiesta au quartier branché du port

    A l’autre bout de ce poumon vert, voici le port, transformé en zone branchée avec restaurants et cafés-bars design, il clôt l’aménagement de cet ensemble spectaculaire et est devenu le nouveau place to be des jeunes valenciens. C’est là qu’en 2007 et en 2010 la ville a accueilli les voiliers de l’America’s Cup. Le port abrite restaurants tendance, cafés lounge à terrasses et hangars revisités en lieux festifs. Les voies d’accès portuaires, serpents de bitume tracés le long des quais, ont servi quant à elles de cadre au Grand Prix d’Europe de Formule 1.

    Cathédrale de Valence

    Patrimoine gothique et moderniste exceptionnel

    Tout cela suffirait déjà à motiver une escapade à Valence. Mais ce serait oublier bien vite que la ville s’est aussi construite avec l’Histoire et qu’elle dispose d’un centre urbain en tous points remarquable.

    Tour à tour romaine, arabe et chrétienne, Valence accumule les vestiges et s’enorgueillit de ses immeubles gothiques et modernistes. Le tout est baigné d’une atmosphère festive qui jaillit le soir dans les ruelles autour des traditionnels bars à tapas, bodegas, restaurants à paëllas et boites de nuits…. Parmi les bâtiments, il ne faut rater pour rien au monde le mercado central, la cathédrale, le palais de la Generalidad, le musée des Beaux-Arts, la remarquable gare du Nord au style Art Nouveau et surtout la Lonja. Cette ancienne bourse de la soie, joyau gothique, est classée au patrimoine mondial de l’Humanité par l’UNESCO. Elle dévoile dans son immense salle une splendide série de colonnes torsadées. 

    Me Mercado central

    L’Oceanogràfic, rendez-vous avec le monde des mers

    Situé au cœur du complexe de la Cité des Arts et des Sciences, l’Oceanogràfic est considéré – notamment par les valenciens comme le plus grand aquarium d’Europe. Chacun des bâtiments aux toits profilés en forme de pagodes abrite un écosystème marin différent (Méditerranée, Tropiques, Mer Rouge, Arctique, Antarctique, Iles, Océans…) et la faune aquatique qui le peuple. Au total, 45 000 spécimens de 500 espèces différentes sont présentés, parmi lesquels dauphins, requins, pingouins, raies mantas, lions de mer, phoques, tortues, crustacés…

    Oceanogràfic de Valence

    Fait rare, c’est aussi le seul aquarium du Vieux Continent à héberger à la fois des morses et des belugas. Ces derniers, formidables « baleineaux » blancs que l’on trouve notamment dans le golfe du Saint-Laurent, au Québec, sont à eux seuls une découverte exceptionnelle. Mais l’Oceanogràfic n’est pas qu’un lieu d’exposition. Centre d’études, il mène des programmes de recherche scientifique et donne la possibilité aux visiteurs de vivre des expériences originales.

    Exemples ? Partager le quotidien d’un gardien auprès des phoques et des dauphins ; découvrir les coulisses de l’aquarium (nourriture, gestion de l’eau…) ; et même, pour les enfants, dormir une nuit dans le tunnel-aquarium, sous les requins!

    Oceanogràfic de Valence
  • A la découverte du Pérou, un pays ‘mer et montagne’

    A la découverte du Pérou, un pays ‘mer et montagne’

    Lima, quartier Miraflores et son fameux crachin mehdi33300 – stock.adobe.com

    Lima, capitale brumeuse baignée dans la garúa

    11 millions d’habitants. Telle est la population de cette mégapole sud-américaine, étendue sur des dizaines kilomètres et dont on peine à identifier le centre. Posée au bord du Pacifique, on pourrait la croire « californienne ». Il n’en est rien. L’océan est de nature hostile, déversant son humeur mauvaise sur des plages gris-cendre. Le ciel, souvent envahi de brume marine, nimbe la ville sous un fin crachin, que l’on nomme ici garúa. L’écrivain péruvien Mario Vargas Llosa a parfaitement décrit cette atmosphère austère, tendance oppressante, dans ses nombreux romans.

    Lima quartier de Barranco Philippe Bourget | cms

    Faut-il pour autant éviter Lima ? Eh bien non ! Car cette ambiance sombre et mélancolique finit par imposer son charme, et comme toute grande cité qui se respecte, la capitale cache  aussi des lieux intéressants. Ainsi de Barranco. Ce minuscule secteur de ville dévale vers l’océan en cochant toutes les cases du quartier branché. Maisons colorées aux terrasses transformées en cafés et restaurants, murales (street-art), boutiques trendy, galeries d’art… Il flotte dans ce quartier maillé de placettes et de ruelles une atmosphère bohême-chic stimulante. Miraflorés est aussi à voir. Zone touristique et d’affaires par excellence, ce quartier vibre autour du malecón (front de mer) de la Réserva, piéton, animé tard le soir. On y trouve deux centres commerciaux très tendance (Inka Market, Larcomar), un parc verdoyant (Kennedy) et quelques belles quintas (résidences) des années 1930.

    Lima quartier de Barranco Philippe Bourget | cms

    Le centre historique est un passage obligé. Autour de la plaza de Armas et du couvent Santo Domingo se mélangent vestiges coloniaux et audaces urbanistiques. La cathédrale, le palais du Gouvernement, l’Archevêché et le monastère San Francisco sont les bâtiments les plus emblématiques. Côté patrimoine artistique, coup de cœur pour le musée Larco. Dans une ancienne hacienda de charme, il abrite 50 000 poteries des époques moche et chimú, deux civilisations pré-Inca du nord du Pérou. Le clou de la collection est constitué par une salle abritant des huacos (figurines) érotiques… 

    Lima, la cathédrale Saint-Jean

    La côte Pacifique nord, mémoire pré-Inca du pays

    Qui connait les sites de Chan Chan, d’El Brujo, de Sipan, de Tucumé ? Sauf à être un spécialiste des peuples précolombiens, peu de monde ! Ils sont pourtant le socle de l’Histoire du Pérou, dont les Incas se sont largement inspirés.

    Le site de Chimu de Chan Chan dans le nord du Pérou Philippe Bourget

    Pour partir sur leurs traces, remontant à 2 000 ans avant J.-C., il faut filer le long de la côte nord, entre Trujillo et l’Equateur. Dans ce Pérou pauvre, les régions de La Libertad et de Lambayeque concentrent une poignée de sites majeurs, dans un paysage agricole plat et monotone. Du début de notre ère jusqu’à l’avènement des Incas, au XIIIe s., trois civilisations s’y sont succédées ou entremêlées : les Moche, les Lambayeque et les Chimú.

    Vue depuis le site Moche de Huaca Rajada Philippe Bourget | cms

    Près de Trujillo se trouvent les Temples du Soleil et de la Lune. Fief des Moche, peuple dominant lors des six premiers siècles, le Temple de la Lune, en briques d’adobe, abrite des décors colorés, symboles de cette civilisation : soldats en armes ; prêtres ; pêcheurs ; dragons ; serpents… L’intérieur de la pyramide, de 24 m de haut, dévoile des tombes et des autels. Au nord de Trujillo, le site d’El Brujo est aussi Moche. Sur Caõ Viejo, l’un des trois temples, apparaissent aussi des motifs humains. Installées dans des vallées tournées vers l’océan, les pré Incas vivaient de pêche et d’agriculture. Dans le port de Huanchaco, on utilise toujours les mêmes bateaux en osier que jadis, les caballitos de totora.

    Collier trouvé sur le site de Huaca Rajada – Musée de Sipan Philippe Bourget

    Près de Chiclayo, un site a déchainé les passions : Huaca Rajada. En 1987, on y découvrit la tombe et le cercueil du Seigneur de Sipán, un dignitaire Moche. La sépulture contenant des bijoux et des ornements d’une richesse inouïe a permis d’analyser leurs us et coutumes. La collection est à découvrir au musée des Tombes Royales de Sipán. Le « précolombien », ce sont aussi les Chimú. Cette civilisation serait la dernière au monde à avoir construit des pyramides. On peut voir tertres beiges ravinés par l’érosion à Tucumé. Un dernier site est à visiter : Chan Chan, ancienne capitale des Chimú. Emotion devant ces murailles du désert protégeant une vaste esplanade intérieure. Autant d’habileté dont s’inspirèrent les Incas pour faire briller leur civilisation, la dernière avant l’arrivée des conquistadors. 

    La tombe du seigneur de Sipan

    Cuzco, ancienne capitale Inca et coloniale

    A 3 400 m d’altitude, l’arrivée à Cuzco est un choc. Les maisons de briques assiègent les versants de la sierra péruvienne, comme s’ils voulaient conquérir les cimes. Le souffle coupé après l’atterrissage est dû aussi au formidable décor de cette ville « rouge » étalée dans la montagne, sous un ciel bleu azur. Ex-capitale de l’Empire Inca, symbole de l’Amérique coloniale, on n’y retrouve guère de traces incas.

    Vue sur Cuzco

    Couvents et églises ont remplacé les temples… sauf qu’à bien y regarder, des vestiges sont encore là. Les Espagnols ont en effet construit plusieurs édifices sur le socle de murs incas. Ainsi du Palais de l’Archevêché : il s’appuie sur les gros blocs jointés du Palais royal du 8ème empereur Inca. D’autres bâtisses ont été élevées de la sorte. La forteresse de Sacsayhuamán, elle, domine toujours la cité de ses ruines gigantesques.

    L’immense Plaza de Armas n’a plus que la statue de Pachacutec pour rappeler son histoire inca. Autour de cette agora bondée de touristes se dressent deux joyaux de l’architecture espagnole : l’église de la Compañia et la cathédrale. La première, œuvre des Jésuites, voulait concurrencer la seconde. Sa façade Baroque donne le change mais la beauté de la cathédrale est sans égal. Dans un mélange inouï de styles baroque, mauresque et plateresque, plus de 650 œuvres d’art y sont abritées, auxquelles s’ajoutent des décors à la feuille d’or, un autel couvert « d’argent éternel », un Christ et sa couronne en or massif et, joyau des joyaux, un baldaquin pesant 102 kg d’argent.

    Eglise de la Compania Philippe Bourget | cms

    On plongera aussi avec plaisir dans l’animation de Cuzco, ville populaire et arty. Autour du marché couvert San Pedro surgissent des scènes typiques du Pérou, avec ses vendeuses assises au milieu des légumes, chapeaux de feutre sur la tête. Le quartier San Blas mérite une visite. Le long de ruelles en pente et d’escaliers de pierres, les maisons blanches restaurées abritent des boutiques-hôtels et des cafés. Difficile cependant d’échapper à l’emprise religieuse à Cuzco ! Dans cette cité très mariano (culte de la Vierge Marie), on célèbre tous les saints de la terre. Il est bien rare d’échapper à une fête catholique, célébrée dans une animation joyeuse avec pétards, danseuses et musiciens.

    Un marché à Cuzco cms

    Le Machu Picchu par le chemin de la montagne…

    Entre Cuzco et le Machu Picchu, il y a les villages du plateau andin, les montagnes grandioses, la population aux costumes colorés… C’est le charme de la Vallée Sacrée, située entre 2 000 et 3 500 m d’altitude. Et puis vient le célèbre site Inca, merveille d’architecture précolombienne, classée au Patrimoine mondial de l’UNESCO.

    L’arrivée au Machu Picchu Philippe Bourget

    La majorité des visiteurs se rend au Machu Picchu en bus, depuis la ville d’Aguas Calientes, par une route en lacets. Pour contourner cette option « moutonnière », ceux qui en ont la ressource ont intérêt d’y arriver à pied. En 4 jours, c’est un trek relativement engagé. En une journée, c’est une randonnée accessible aux marcheurs en forme. L’un et l’autre offrent la récompense d’arriver en surplomb sur le site, au terme d’un effort décuplant le plaisir de la découverte.

    Pont sur le rio Urubamba Philippe Bourget

    Un trajet insolite en train depuis le village d’Ollantaytambo, dans un wagon panoramique et confortable de la compagnie Perurail, jette les voyageurs sur un quai quasi désert, au fond de la vallée verdoyante et humide de l’Urubamba. C’est ici, au lieu-dit Chachabamba, que démarre la dernière étape du Chemin de l’Inca, plus de 6 h de marche à progresser sur un sentier ardu tracé à flancs de versants. Le temps de traverser le río sur une passerelle suspendue et l’ascension débute, ouvrant rapidement des panoramas grandioses sur la vallée. L’itinérance peut être éprouvante, non pas tant par l’altitude et le dénivelé que par le parcours, jalonné d’un nombre incalculable de marches incas, inégales et mal taillées.

    A travers le di de Winaywayna Philippe Bourget

    Après maintes transpirations, pauses et arrêt pique-nique, un passage au pied d’une cascade mène au site archéologique de Wiñaywayna, première mise en bouche Inca. Il précède l’arrivée aux Portes du Soleil, ultime col du parcours. Temps fort ! Car au devant, en contrebas, les ruines du Machu Picchu dévoilent cette vaste cité posée sur un replat au pied d’un amphithéâtre de montagnes émeraude. Instant de recueillement obligé devant la prouesse architecturale de cette cité-sanctuaire, réalisée au 15ème s. par la civilisation Inca. Une descente facile conduit ensuite au site, que l’on visitera avec un mélange de d’admiration et de nostalgie. Le règne inca y fut brutalement interrompu par l’arrivée des Espagnols. Epidémies et sauve-qui-peut mirent un terme définitif à cette civilisation.

    Train retour depuis le Machu Picchu Philippe Bourget | cms
  • Gijón et Oviedo, les demi-sœurs des Asturies

    Gijón et Oviedo, les demi-sœurs des Asturies

    Dans le centre historique d’Oviedo

    Si la région est surtout connue pour son littoral sauvage et ses formidables reliefs des Picos de Europa, on ne doit pas oublier ces deux cités majeures. La première, moderne, active et commerçante, s’ouvre gracieusement sur la mer Cantabrique. La seconde cultive une histoire unique, illustrée par son patrimoine ancien et son statut de « capitale princière ». A l’heure du surtourisme, voici une destination qui coche toutes les cases, à découvrir en voiture ou en avion via désormais des vols directs de Belgique vers Oviedo.

    1. Oviedo, une capitale en son ancien royaume
    2. Gijón, ville marine et marchande

    Oviedo, une capitale en son ancien royaume

    A peine moins peuplée que sa voisine Gijón, Oviedo est sans conteste la plus belle ville de la province. Elle doit son riche patrimoine à son passé de royaume (9ème – 10ème s.), premier territoire ibérique à avoir entrepris la Reconquista. Mais aussi à sa fonction de capitale de la « principauté des Asturies », un statut décroché après que l’héritier de la couronne de Castille puis d’Espagne ait obtenu le titre de « prince des Asturies », selon un accord datant du 14ème s.

    Plaza de la Constitución, Oviedo

    La balade dans le centre historique est un bonheur de découverte architecturale. Au fil de calles et de plazas essentiellement piétonnes, les édifices monumentaux se succèdent : l’ancienne université du 17ème s., d’allure sévère ; le torre Vieja, romane ; le monastère bénédictin de San Pelayo, plus palais que couvent ; les édifices nobles des 17ème s. et 18ème s. de la plaza de Porlier ; l’hôtel de ville à arcades et l’église de San Isidoro, place de la Constitution ; la splendide petite place El Fontan, une cour intérieure encadrée de portiques à colonnes soutenant des maisons…

    Petite place au centre d’Oviedo

    El Greco, Murillo, Zurbaran, Goya, Sorolla et même Picasso, Miró et Dalí

    Musée des Beaux-Arts des Asturies turismoasturias.es

    Les amateurs d’art ne manqueront pas de visiter le musée archéologique des Asturies, aménagé dans l’ancien couvent bénédictin San Vicente. Il abrite notamment des vestiges du temps où la région était un royaume. Au coin de la place de Alfonso II El Casto se tient le musée des Beaux Arts. Ce mini « Prado » déployé dans un palais du 18ème s. et une bâtisse contemporaine, abrite des œuvres d’artistes aussi connus qu’El Greco, Murillo, Zurbaran, Goya, Sorolla et même Picasso, Miró et Dalí.

    Cathédrale San Salvador

    Surtout, la place voit se dresser la formidable cathédrale San Salvador. Typique du gothique flamboyant, elle aligne trois portails majestueux derrière lesquels on accède à la nef et au cloître. La première présente un remarquable retable d’autel du 16ème s., en bois, et d’autres du 18ème s., baroques. Elle abrite aussi et surtout la Cámara Santa, présentant des chefs d’œuvre d’orfèvrerie des 9ème et 10ème s., un trésor inouï classé au Patrimoine mondial par l’UNESCO. Le second est remarquable par ses croisées d’ogives et la finesse de ses ouvertures.

    Oviedo, l’art de vivre dans l’Espagne « verte »

    Ville verdoyante de l’Espagne atlantique, Oviedo se pare d’une élégance commerçante illustrée par son parcours artistique et la tradition solidement installée des sidrerías. Au nord de la calle de Argüelles, le shopping est roi.

    Sculpture sur une place de la vieille ville d’Oviedo Philippe Bourget | cms

    Les boutiques prennent place aux rez-de-chaussée d’édifices remarquables, le long de larges avenues piétonnières agrémentées de sculptures modernes, de fontaines et de bancs. Une centaine de statues égayent en effet les rues, un parcours arty à suivre depuis le centre historique jusqu’à cette partie moderne de la ville. « Vendeuses du Fontán » (place de Daoíz y Velarde), «Femme assise» (rue Ramón y Cajal, devant l’université), « El Diestro » (buste de torero, rue Valdes), « Culis monumentalis » (angle des rues Pelayo et Alonso de Quintanilla), « La Maternidad » (œuvre du colombien Botero, place de la Escandalera)…

    Woody Allen est présent à Oviedo Philippe Bourget | cms

    Ces réalisations, souvent de grande taille, mènent jusqu’à la rue Milicias Nacionales où l’on a la surprise de découvrir une statue de… Woody Allen. Sa présence ici s’explique par l’attribution en 2002 au cinéaste new-yorkais du célèbre prix « Princesse des Asturies », remis chaque année à une personnalité du monde des arts, des sciences, du sport, de la littérature ou de la communication, au théâtre Campoamor. L’américain était par la suite devenu un familier de la région. D’autres célébrités l’ont reçu, à l’image de Norman Foster, Barbara Hendricks, Bob Dylan ou Meryl Streep, en 2023.

    Une tradition et un spectacle étonnants

    Autre tradition d’Oviedo : le cidre ! Comme au Pays basque espagnol, la région produit cette boisson légèrement alcoolisée à base de pommes, que l’on déguste dans des tavernes dédiées, les sidrerías.

    La tradition du cidre dans les Asturies turismoasturias.es

    Et s’il est une rue où il faut absolument se rendre pour le goûter, c’est bien la calle Gascona. Elle aligne quantité d’échoppes où le plaisir est autant dans le verre et l’ambiance chaleureuse que dans la façon de servir le breuvage. Levant haut la bouteille au dessus de leur tête, les serveurs remplissent les verres « au jugé », le liquide s’écoulant en un jet spectaculaire émaillé éclaboussures – elles sont recueillies dans un seau posé au sol sous le verre. Une tradition et un spectacle étonnants pour clore en beauté un séjour à Oviedo !

    Le palais baroque de Revillagigedo Philippe Bourget | cms

    Gijón, ville marine et marchande

    La plus grande cité des Asturies (275 000 habitants), plaira aux fans de villes portuaires qui savent combiner activités balnéaires et shopping. Pour bien cerner Gijón quand on y vient la première fois, direction la presqu’île de Santa Catalina. Cette protubérance naturelle, colline originelle nommée Cimadevilla, mêle ruelles et placettes populaires, scandées d’anciennes maisons de pêcheurs et de vieux bars à matelots.

    De la plage San Lorenzo, vue sur Cimadevilla

    Par la montée del Cerro, on accède à un parc, une ancienne zone militaire devenue lieu de balade surplombant toute la ville. Elle ouvre une vue majestueuse sur la baie de Gijón et les montagnes environnantes. On découvrira aussi deux places charmantes, Arturo Dias et plaza de la Correda, ainsi que la tour de l’Horloge et un palais du XVIème s., la Casa Natal de Jovellanos.

    La Plaza Mayor, encadrée de monuments Philippe Bourget | cms

    Côté ouest et côté est

    A l’est de la presqu’île s’étend la promenade de front de mer. Balade favorite des habitants, elle longe depuis les termes romains del Campo Valdes la longue plage de San Lorenzo, où les locaux ont l’habitude de se donner rendez-vous à l’un des escaleras (escaliers) numérotés qui dévalent vers le sable blond… Côté ouest, Gijón se déploie autour de son port de pêche et de plaisance. Face aux bateaux, la place del Marques est dominée par le remarquable palais baroque de Revillagigedo (XVIIème s.).

    Le palais Revillagigedo de nos jours un lieu d’exposition. Philippe Bourget | cms

    Son look moyenâgeux cache en réalité un ensemble baroque qui accueille régulièrement de belles expositions. A deux pas, la Plaza Mayor, encadrée de monuments aux façades ocrées, s’ouvre au sud vers un quartier de rues ultra commerçantes (calles Instutito, de la Merced, San Bernardo…), bordées d’immeubles nobles qui abritent quantité de boutiques et de cafés-restaurants.

    Le Laboral un des plus grands édifices d’Espagne Philippe Bourget | cms

    Laboral de Gijón, ancien collège et folie urbaine des années 1950

    C’est à un voyage dans l’architecture des années Franco que conduit l’excursion au « Laboral », le plus vaste complexe urbain d’Espagne aux côtés de l’Escurial, à Madrid. La bâtisse, monumentale, se tient dans les faubourgs de Gijón, posée sur un promontoire qui lui confère l’allure d’une citadelle moderne. Entrepris en 1948, cet ensemble aux dimensions gigantesques avait pour vocation d’accueillir et de former les enfants orphelins du secteur minier.

    Bâtisse imposante ou style très académique Philippe Bourget | cms

    Lors de sa construction, il sera décidé d’en faire un collège et une université technique (Universidad Laboral). Dirigée alors par Franco, l’Espagne, très pauvre, pousse le pouvoir à vouloir former les plus jeunes, dans une vision éducative stricte et conservatrice. C’est au jeune architecte madrilène Luis Moya Blanco qu’est confiée la réalisation de cette forteresse scolaire, censée fonctionner en autarcie avec une ferme de 100 ha, sous la férule des Jésuites et des sœurs Clarisses.

    LABoral Cuidad de la Cultura

    L’entrée dans cette « cité idéale » crée un choc. L’immense place centrale (150 m de long, 50 m de large), son encadrement par des bâtiments classiques empruntant aux styles romain, grec et ottoman, l’église imposante, la haute tour (130 m !), le théâtre… : tout respire l’ordre et la mégalomanie franquistes. Délaissé dans les années 1980, le complexe a été repris par le gouvernement de la Principauté des Asturies, dans le but de lui insuffler une nouvelle vie. Depuis sa réouverture en 2007, il est devenu la «LABoral Cuidad de la Cultura», un lieu ouvert dévolu à la création artistique et industrielle, aux médias, à la formation, à la musique (conservatoire), aux expositions et à l’accueil d’évènements culturels et professionnels. L’ancien couvent des clarisses abrite ainsi le siège de la Radiotélévision de la Principauté des Asturies. Une partie des 130 000 m² du LABoral est accessible lors de visites guidées, de janvier à mi septembre.