Le littoral captant l’essentiel des touristes étrangers en séjour balnéaire est la Riviera albanaise, au sud, le long de la côte ionienne, là où les montagnes « tombent » en mer. On y trouve les plus belles plages de sable, au sud de Vlora, porte d’entrée de ce littoral avec son aéroport en projet, ses liaisons en ferries vers l’Italie et ses constructions modernes. Radhima, Orikum, la péninsule de Karaburun (et ses plages accessibles seulement par bateau), Dhërmi et Himara sont les stations les plus populaires. Plus au sud, face à l’île grecque de Corfou, près du site de Butrint, Saranda, Ksamil et Manastiri accueillent des hôtels familiaux, des villas et des résidences, mais le tout manque cruellement de cohésion.
Le port de Saranda, au sud, sur la mer Ionienne, et ses ferries vers l’île grecque de Corfou. Philippe Bourget | cms
Les lacs offrent aussi leurs lots d’attractions. Au nord, celui de Shkodra, frontalier avec le Monténégro, est une zone officiellement protégée qui abrite 240 espèces d’oiseaux. Le lac grossit ou diminue au gré des précipitations. Au sud, le lac salé de Butrint, relié naturellement à la mer ionienne, est au cœur du Parc national éponyme, composé de plaines, de forêts, de marécages et de montagnes. Il abrite aussi près de 250 sortes d’oiseaux, des reptiles et des amphibiens ainsi, qu’au large, le phoque de Méditerranée. Au sud-est, frontalier avec la Macédoine du Nord, le magnifique lac d’Ohrid, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, est une zone de villégiature et de contemplation, dont on profite autour de la ville de Pogradec.
Canoë sur la rivière Bystritza, au sud du pays. Philippe Bourget | cms
L’autre intérêt majeur d’un séjour ou d’un circuit en Albanie, peut-être plus grand encore que les côtes, sont les montagnes. Sillonnées de rivières impétueuses, elles couvrent 70% du pays et promettent des itinérances secrètes dans des vallées et des villages perdus. Au nord, ce sont les Alpes dinariques, près du Monténégro et du Kosovo. Elles cachent la reculée vallée du Theth. Plusieurs massifs s’enchainent ensuite jusqu’à la frontière grecque, avec le point culminant du pays situé à la frontière de la Macédoine du Nord, le mont Korab (2 751 m). De nombreux randonneurs choisissent Berat pour « camps de base » avant d’aller explorer les montagnes environnantes. Les reliefs du sud sont particulièrement attirants. Dans un décor sauvage de versants herbeux et de petits cols, là où l’on croise beaucoup de troupeaux de moutons gardés par des bergers (il y a aussi des loups et des ours), l’étroite route entre Gjirokastra et Korça est spectaculaire, traversant des paysages intègres scandés de rares villages.
Paysage de montagnes entre Gjirokastra et Korça. Philippe Bourget | cms
Dommage simplement que les gestes écologiques ne soient pas encore entrés dans les mœurs. Qu’elle soit côtière ou montagneuse, la nature souffre encore trop de la présence de dépôts sauvages et de détritus jetés au sol sans états d’âme. On pourra explorer aussi la vallée de la Vjosa, seule rivière considérée encore comme « sauvage », car non coupée par un barrage – un projet est cependant en cours. La rivière Bistritza, elle, offre une curiosité. L’un de ses sources est une résurgence. Après une agréable marche d’approche (accessible à tous) entre des hauts versants boisés, on découvre ce flot d’eau fraîche et translucide surgissant de sous la montagne. L’Oeil Bleu, tel est son nom, incarne sa manière la richesse naturelle du pays.
S’échapper dans la nature autour du Puy-en-Velay est l’assurance d’aller à la rencontre de paysages variés, témoins d’un territoire parfaitement situé au carrefour d’influences. Les marcheurs des sentiers de grande randonnée en découvriront tous les contrastes. Les pèlerins de Saint-Jacques sur la Via Podiensis, ceux en route vers le sud par le chemin de Stevenson ou de la Régordane auront ainsi l’occasion d’apprécier les hauts plateaux annonçant la Margeride, les profondes vallées de l’Allier et de la Loire et les platitudes désolés du Mézenc. Les automobilistes aussi.
La Loire, fil rouge du Velay
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Si la Loire ne traverse pas directement le Puy-en-Velay, elle constitue le fil rouge d’un Velay qu’elle coupe du sud au nord en offrant de belles perspectives aux touristes motorisés. Venu du Mont Gerbier de Jonc, source située à moins de 50 km au sud-est, le fleuve passe à Brives-Charensac où il est joliment enjambé par le pont de la Chartreuse, ouvrage piétonnier à arches dont l’origine remonte au 13ème s.
Château de Lavoûte-Polignac, plus de 1 100 ans d’Histoire
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Plus bas dans la vallée, la Loire se fait sauvage et, au cœur d’un méandre, dans un décor campagnard remarquable, se dresse le château de Lavoûte-Polignac. Cela fait plus de onze siècles que les Polignac occupent ce fief rocheux isolé à l’écart de Lavoûte-sur-Loire, à 15 km du Puy-en-Velay. Plus de 1 100 ans à voir couler la Loire à l’entrée d’un cingle épousant un décor boisé magnifique. « Quand j’étais enfant, je venais ici et je me souviens encore du murmure de la Loire », dit joliment Armand de Polignac, depuis la terrasse dominant le fleuve. La famille a donné au royaume de France le célèbre cardinal de Polignac, conseiller de Louis XIV. Jules de Polignac fut ambassadeur de France auprès du Saint-Siège et en Angleterre, puis ministre des Affaires Etrangères et président du Conseil sous Charles X.
Portraits royaux…
Parlons aussi de Pierre de Polignac (1895-1964). Il devint prince de Monaco suite à sa rencontre au château avec la princesse Grimaldi. Après leur union, il prit le nom dynastique de sa femme et eut un fils… le futur prince Rainier. La visite du château révèle un décor à la hauteur de ce destin. Au rez-de-chaussée, divisé entre un hall, un salon-bibliothèque et une salle à manger, trônent les portraits de Louis XVI, Louis XVIII, Charles X, du pape Pie VII, de la duchesse de Polignac, du prince Jules, du cardinal…
Une boucle de nature
Le château se présente à la sortie des gorges de Peyredère. La Loire pénètre ensuite dans le val d’Emblavez, une terre à blé et à bois, riche en gibier. C’est sans doute la raison qui conduisit les premiers Polignac à s’installer ici, au 9ème s. De nos jours, le site conserve sa belle naturalité. Autour du méandre, ciel et rives abritent faucons pèlerins, milans royaux, hérons cendrés, loutres, castors, amphibiens…
L’Allier, une des dernières rivières sauvages d’Europe
D’un coup de voiture, on rejoindra les gorges de l’Allier, au sud-ouest du Puy-en-Velay. Considérée comme l’une des dernières rivières sauvages d’Europe, cet affluent de la Loire dans lequel remontent les saumons de l’Atlantique creuse des gorges boisées. Le meilleur moyen d’en prendre le pouls est d’emprunter la myriade de petites routes départementale qui les longent ou les surplombent, entre Alleyras, au sud, et Langeac, au nord, en passant par Monistrol-d’Allier et Prades.
Bouchet, lac de cratère volcanique
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Près d’Alleyras, on poursuivra la découverte en grimpant au lac du Bouchet. Ce plan d’eau volcanique, cercle parfait niché dans un environnement solitaire et boisé, est un maar. Le lac occupe en effet un cratère d’explosion volcanique, vaste cuvette ouverte dans des roches plus anciennes. Un sentier en fait le tour, splendide balade à faire en toutes occasions, quand le printemps s’éveille, l’été pour prendre le frais ou en automne quand la météo commence à roussir le décor.
Cascade de la Beaume taillée dans le basalte
14 km au nord-est du lac (et 15 km au sud du Puy-en-Velay), arrêt à la cascade de la Beaume, à Solignac-sur-Loire. Les eaux de la rivière Ourzie entaillent ici le basalte du plateau et jaillissent du haut d’une falaise pour retomber 27 m plus bas et donner naissance à la Beaume, affluent de la Loire. Il s’agit d’une agréable promenade, avec plateforme belvédère. L’aller-retour à pied depuis le parking du Reynardon prend 40 mn.
Paysages désolés du Mézenc
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On finira la découverte paysagère par le plateau du Mézenc. Si l’on aime les territoires ruraux isolés et sauvages, en voici un ! Sous les 1 753 m du mont Mézenc, site majeur du plateau et plus haut sommet de Haute-Loire (il est aussi ligne de partage des eaux entre Loire et Rhône), le décor offre son immensité horizontale et ses pâturages à perte de vue, connus aussi comme une célèbre terre d’élevage bovin. Couvertes de pierres phonolites, les fermes, massives et isolées, ponctuent ce paysage rude couvert de neige en hiver et où souffle la terrible burle, vent du nord soulevant des congères. Le Velay et ses marges sont définitivement prolixes en ressources naturelles. En savoir plus
Le monastère orthodoxe d’Ardenica, au sud du pays, le dernier d’Albanie où officient encore des moines Philippe Bourget | cms
A Tirana, on visitera avec intérêt la petite et ancienne mosquée Et’hem Bey, entamée à la fin du XVIIIe s. Relique du passé ottoman, elle fut épargnée à l’époque communiste et trône en bordure de la place Skanderbeg, avec ses murs extérieurs peints. Son style tranche avec celui de la mosquée Namazgah, de style néo-ottoman, reconnaissable à ses quatre minarets de 50 m de haut. Inaugurée en 2023, rue Gorge Bush, elle est considérée comme la plus grande des Balkans et peut recevoir jusqu’à 2 500 fidèles.
Tirana abrite aussi le siège mondial du bektashisme. Ce courant musulman soufi né en 1501 prône la tolérance et a donné au pays de nombreux intellectuels et opposants à la domination ottomane, notamment lors de l’indépendance du pays, proclamée en 1912. La confrérie compte près de 7 millions d’adeptes dans le monde, dont environ 100 000 en Albanie. Elle se retrouve dans les tekkés, des lieux de cultes sans minaret reconnaissables à leurs coupoles colorées, isolés dans les campagnes. La cathédrale orthodoxe de la Résurrection du Christ, rue Rugova, consacrée en 2012, rappelle par ses lignes mégalomanes et l’immense mosaïque de son dôme, la place de cette église en Albanie.
Au nord, Shkodra et sa région abritent la plus forte communauté catholique du pays, représentant 12 à 15% de la population. La cathédrale Saint-Etienne et l’église Saint-François méritent une visite pour leurs fresques, religieuses dans la première, anticommunistes dans la seconde ! Berat est une étape obligée pour les amateurs d’art religieux. Le quartier de la citadelle abrite non seulement les ruines de la plus ancienne mosquée d’Albanie (1417) mais surtout l’ancienne cathédrale, devenue le musée Onufri.
Il est considéré comme le « Michel-Ange » de l’art iconographique ! Son talent unique l’a conduit, lui et ses disciples, à peindre au XVIe s. des icones ultra réalistes et à inventer « le rouge Onufri », un pigment exceptionnel qui donne toute leur luminosité à ses tableaux. Plusieurs de ses œuvres y sont présentées, tandis que la cathédrale, puisque c’est un musée, offre l’opportunité rare de passer derrière l’iconostase. On y apprend qu’ont été retrouvés dans cette salle réservée aux popes, en 1967, cachés dans le sol, deux ouvrages uniques, des Codex (manuscrits sur parchemin relatant les Evangiles) des Ve et IXe s.
Le musée national d’art médiéval, à Korça Philippe Bourget | cms
Les monastères orthodoxes font aussi partie du paysage albanais. Près du site d’Appolonia, au sud, celui d’Ardenica est le dernier d’Albanie où officient des moines. Erigée sur un site perché où une première chapelle remonte au Xe s., l’église du monastère, fondé au XIIIe s. et rebâti au XVIIIe s., est célèbre pour ses fresques murales de très grande qualité, son iconostase et sa curieuse chaire en bois en forme de nacelle. L’ensemble n’a pas subi les outrages du communisme, un évêque ayant réussi à convaincre les personnes venues la détruite qu’elle appartenait à l’histoire albanaise, pour avoir abrité le mariage de Skanderbeg, héros national.
On terminera en beauté à Korça. Dans cette cité où s’élèvent la mosquée Mirahori (1494, plus ancien édifice de la ville) et la vaste cathédrale orthodoxe inaugurée en 2004, se trouve le fameux musée national d’art médiéval. A l’intérieur d’un édifice design de 2016 s’abrite tout bonnement la plus grande collection muséale au monde d’icônes. 6 500 sont conservées dans les réserves. 400 sont accrochés de manière spectaculaire sur les murs. Parmi eux, il va de soi, se trouvent des icônes d’Onufri. Un joyau albanais.
Pour se rendre à Polignac, distant de 5 km du Puy-en-Velay, on pourra faire un court crochet par Espaly-Saint-Marcel. Cette commune limitrophe de la préfecture de Haute-Loire abrite elle aussi un piton volcanique sur lequel se dresse une statue colossale de Saint-Joseph, de plus de 20 m de haut. A ses pieds trône la basilique Saint-Joseph-de-Bon-Espoir. Inspirée d’un château féodal, elle a été bâtie au début du 20ème s.
En entérinant en 2021 la labellisation de Polignac, l’association des « Plus Beaux Villages de France » a porté à cinq le nombre de communes de Haute-Loire bénéficiant de cette distinction. Une bonne nouvelle pour le département et une consécration pour le village. Qu’on l’aperçoive depuis la statue Notre-Dame de France, sur le rocher Corneille, au Puy-en-Velay, ou qu’on le découvre en l’approchant par la route, Polignac, c’est d’abord – et surtout ! – un château. Immense, conquérant, il domine le bourg et ses environs depuis un plateau volcanique de 3 hectares, plateforme basaltique sur laquelle se dresse un donjon rectangulaire de 32 m de haut. Une forteresse médiévale en majesté, qui appartient depuis plus de 900 ans, exceptée une interruption après la Révolution, à la même famille, les Polignac.
Philippe Bourget
Dans la même famille depuis 900 ans
Puissante seigneurie installée ici dès la fin du 11ème s., elle a connu les croisades, défendu la région lors de la guerre de Cent Ans, s’est opposée puis rabibochée avec le royaume de France, au point de s’installer à Versailles sous Louis XVI. Confisqué à la Révolution et vendu comme Bien National, le château sera racheté par le prince Jules de Polignac en 1830. Il est aujourd’hui propriété de la « Fondation Forteresse de Polignac » et une association en assure la gestion.
Corps de garde, anciens ateliers, chemin de ronde…
On grimpe au château à pied depuis le village après avoir acquitté un droit d’entrée à l’office de tourisme. Il donne droit à un jeton, sésame obligatoire pour franchir un tourniquet et visiter le site en autonomie. Porte fortifiée, souricière, corps de garde, tour de défense, anciens ateliers et forge, bâtiments seigneuriaux (en ruine), chemin de ronde, puits… Tout cela constitue le décorum du plateau, souvenirs d’un temps où le château était un bastion imprenable.
141 marches pour le donjon
L’ascension du donjon est le point d’orgue de la visite. Construit de 1385 à 1421, cette tour-résidence a assis le pouvoir symbolique des Polignac. Depuis la terrasse sommitale, accessible par 141 marches, la vue domine les monts du Velay, du Mézenc (parfois enneigés dès novembre) et du Meygal, la ville du Puy-en-Velay, les vallées de la Borne et de la Loire… et le village.
Philippe Bourget
Maisons en pierre volcanique
Point de rencontre des Chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle venant de Cluny et de Lyon (GR765), avant l’arrivée au Puy-en-Velay, Polignac regroupe un ensemble de maisons en pierre volcanique couleur bronze. Au gré de la balade, certaines demeures laissent apparaitre de jolies restaurations. D’autres restent dans leur jus vétuste ou de peu de goût, en décalage avec l’image attendue d’un « Plus Beau Village de France ».
Restaurant « Les Terrasses de Polignac » ou glacier Mezia
L’église Saint-Martin, en brèche volcanique (roche magmatique granuleuse), mérite une visite. A l’intérieur, à droite, un vitrail posé au dessus d’une porte représente le Prince, le Cardinal et le Chevalier de Polignac. Pouvoir politique, religieux et militaire réunis sous une même particule, tel est le symbole d’une puissance dynastique ! Dans cette église romane du 11ème s., le chœur est décoré de fresques du 12ème s. La découverte du village peut s’achever aux « Terrasses de Polignac », sympathique bar-restaurant, ou chez le réputé glacier Mezia.
Philippe Bourget
Arlempdes, au sommet d’une éminence
A 30 mn au sud du Puy-en-Velay, Arlempdes surgit comme un nid d’aigle au creux de la vallée naissante de la Loire. Le mont Gerbier de Jonc n’est qu’à une vingtaine de kilomètres et le fleuve coule ici en une impétueuse rivière, traçant son sillon dans le basalte volcanique. Là, au sommet d’une éminence inattaquable, se dresse un château-forteresse ruiné, le premier du val de Loire. Rien à voir avec les demeures Renaissance du fleuve royal, accueillants et prestigieux palais égrenés entre Blois et Angers…
Nouvelle vie depuis 1963
Dans cette Loire primaire où l’on pense d’abord à se défendre, les Montlaur occupent cette place forte dès le 13ème s. Méfiants, ils transforment le verrou rocheux en baronnie imprenable. En 1429, Louis de Montlaur est conseiller du roi Charles VII et combat aux côtés de Jeanne d’Arc. En 1499, nait Diane de Poitiers. Favorite du roi Henri II, elle devient « dame d’Arlempdes ». Lors des guerres de religion au 16ème s., le château est assiégé par les protestants. Après la Révolution, les prêtres réfractaires locaux sont pourchassés et le château est laissé à l’abandon. Il faut attendre 1963 et le rachat du château par la famille de Goys pour qu’il entame une nouvelle vie.
Territoire objet de convoitises
De nos jours, l’arrivée à Arlempdes ravive le souvenir des temps anciens où le moindre territoire était l’objet de convoitises. Que diable pouvait-on briguer dans cette vallée perdue entre rocs et gorges ? Si ce n’est une réputation ou un honneur à défendre, il faut reconnaître que l’intérêt stratégique, vu sous un prisme contemporain, parait maigre.
La Loire dans son canyon…
L’intérêt visuel, en revanche, est grand. Les fragments de murailles et la chapelle castrale en pierre rouge font corps avec la roche au dessus d’un village de poupée surmonté par le clocher-mur de l’église romane. Le petit amas de maisons aux toits rouges se découvre après avoir franchi une poterne en basalte du 11ème s. En bas, tout en bas, la Loire file dans son canyon, léchant sans jamais l’user cette relique médiévale magnifique.
Changement de décor à Pradelles. Après la microscopique Arlempdes, voici un bourg autrement plus grand et aérien, dominant un vaste panorama. Aussi loin que l’on remonte, Pradelles fut une ville de passage. Aux confins des départements actuels de la Haute-Loire, de l’Ardèche et de la Lozère, elle marque la frontière entre le Velay et la Margeride, la haute vallée de l’Allier et le Languedoc. La table d’orientation, accessible depuis la rue des Pénitents, dévoile ce paysage de « contact », ouvert sur la montagne du Goulet, la forêt de Mercoire et le lac de Naussac.
Sur la voie Régordane…
Rien d’étonnant à ce qu’elle fut, à 1 150 m d’altitude, une étape importante sur la route des marchands. Placée sur la voie Régordane reliant l’Auvergne au Languedoc, elle vit passer des générations de commerçants revenant du Midi avec du sel et du vin, ou s’y rendant chargés de grains et de fromages. Elle accueillit aussi quantité de pèlerins en route vers Saint-Gilles, depuis le Puy-en-Velay. Même Stevenson y passa avec son âne, un beau jour d’automne 1878 !
Chapelle cultuelle Notre-Dame-de-Pradelles
La petite ville a conservé les parures de ces temps fastes : place centrale entourée de demeures nobles à arcades, portes anciennes, fontaines (celle du Melon est la plus ouvragée), tours et portails… La balade dans les ruelles serrées conçues pour se protéger du vent a un franc goût moyenâgeux. La chapelle Notre-Dame-de-Pradelles est elle-même l’objet d’un culte, depuis la découverte d’une statue dans un champ voisin en 1512. Installés à Pradelles en 1608, les dominicains contribuèrent à la réputation du lieu. Chaque année, le 15 août, la statue est portée en procession dans les rues du village.
Bataille contre les troupes huguenotes
Autre fait d’armes de Pradelles : la bataille contre les troupes huguenotes, en mars 1588. Ayant décidé d’attaquer le village, on rapporte que celles-ci furent mises en déroute grâce à Jeanne la Verde, dite la Verdette. Le 10 mars, cette citoyenne jeta du haut des remparts une grosse pierre qui blessa mortellement un gradé de la troupe, le capitaine Chambaud, provoquant le repli des soldats. L’honneur de Pradelles était sauf !
La cathédrale orthodoxe et le centre-ville de Korça Philippe Bourget | cms
Cernée de murailles et de tours en majorité détruites, la citadelle dévoile d’antiques maisons des XVIIIe et XIXe s. encore habitées, des vestiges de mosquées datant de la période ottomane et surtout le précieux musée Onufri et sa cathédrale, aux icônes inestimables du maître Onufri (voir chapitre 3). Dans la ville basse, on prendra le temps de flâner dans Gorica et Mangalem, reliées par une passerelle et un pont sur l’Osum, et d’apprécier l’architecture rustique des maisons aux façades blanches couvertes de tuiles brunes.
Le quartier orthodoxe de Gorica, à Berat, vu depuis la citadelle Philippe Bourget | cms
Après un crochet par le site d’Apollonia, ancienne ville hellène et romaine redécouverte par deux archéologues français au XXe s., la route vers l’extrême sud mène jusqu’à la frontière grecque et à Butrint, site archéologique classé à l’UNESCO. Bâti sur une presqu’ile face à Corfou, ce site est la destination culturelle la plus visitée d’Albanie. Protégée de hauts murs percés de portes massives, Butrint abrite des vestiges antiques, byzantins et vénitiens remarquables. On s’y promène en liberté dans un décor boisé et lacustre, passant de ruines gréco-romaines au théâtre, du Palais du Triconque (ancienne villa) à la grande basilique et aux restes de l’antique acropole.
Gjirokastra est un coup de cœur. Dans un environnement de montagnes verdoyantes, dont les sommets sont encore tachés de névés au printemps, la ville qui a vu naitre l’écrivain Ismail Kadaré (et le dictateur Enver Hoxha) étage ses belles maisons de pierre le long de rues pavées très pentues. Certaines, remarquables, ont des allures de forteresses, telles la maison Skënduli et ses 44 portes, 64 fenêtres et meurtrières et… 4 hammams. L’ensemble est dominé par une citadelle, l’une des plus anciennes et vastes d’Albanie.
Renforcée par les Ottomans, cette forteresse militaire devint prison au XXe s. durant la période communiste, redoutée pour ses conditions de vie et d’encadrement implacables, avant d’y accueillir chaque année les festivités culturelles officielles de la dictature. C’est désormais, en partie, le musée des Armes. De ses terrasses, la vue sur la ville et les montagnes est splendide. Devenue très touristique avec ses dizaines de boutiques, cafés et restaurants, Gjirokastra conserve pour autant un charme intact qui vaut le déplacement dans ce sud albanais.
Dans les rues touristiques de Gjirokastra Philippe Bourget | cms
On achèvera ce tour des villes par Korça. Plus grande cité du sud du pays (50 000 habitants), disputée au fil de l’Histoire et témoin des guerres balkaniques au début du XXe s., elle a gardé de la présence de l’armée française à cette période une francophilie certaine. Belles villas, rues pavées, vieux bazar très animé avec ses restaurants et ses boutiques, ancien caravansérail et pas moins de sept musées sont à visiter dans cette cité, dont l’exceptionnel Musée national d’art médiéval.
Une rue commerçante dans le bazar de Korça Philippe Bourget | cms
Sorties des paysages industriels du bassin stéphanois, la nationale 88 ou le train régional qui grimpe vers l’Auvergne en suivant le cours de la Loire débouchent sur la « principauté » du Puy-en-Velay : un plateau riant de plus de 20 000 habitants perché à 700 m d’altitude, entre les montagnes du Devès, du Meygal et du Mézenc.
A ceux que les petites villes de province supposées ennuyeuses rebutent, disons-le tout net : Le Puy-en-Velay fait exception. Exception historique, avec un riche passé de ville religieuse, incarné par sa cité épiscopale. Exception géologique, avec ses pitons de lave couronnés d’églises ou de statues. Exception culinaire, avec ses spécialités de bouche et un marché uniques, pavoisant les rues de la ville chaque samedi. Ajoutons-y un renouveau en termes d’accueil – enfin ! – illustré par un nouvel hôtel de charme et un restaurant étoilé Michelin.
La haute-ville est enveloppée depuis le Moyen Âge d’un halo religieux. Ce quartier épiscopal baigne dans le culte de Marie et du Chemin de Saint-Jacques. D’autres pèlerins viennent le 15 août pour la procession mariale, un afflux de fidèles qui accompagnent la statue de la Vierge noire à la cathédrale. La balade témoigne de l’aura catholique du quartier : bâtiments d’enseignement privé, congrégations religieuses, cloître, chapelles, églises, couvent, gites de pèlerins… Le décorum est pieux, jusqu’à l’immense statue Notre-Dame-de-France, perchée 132 m au dessus de la ville, sur le rocher Corneille. Heureusement, l’Hôtel-Dieu et la chapelle numérique Saint-Alexis dépoussièrent les codes ecclésiastiques. Nommé Compostella, le premier présente des spectacles sons et lumière immersifs. La seconde abrite un show interactif, « Terre de Géants ».
« Les Cimes du Puy-en-Velay », chambres d’hôtes de charme
C’est dans ce quartier appartenant au diocèse et à des religieux que Gilles Devie et Sandrine Boudignon, propriétaires d’une partie de l’hôtel des Prévôts (14ème s., lieu d’accueil au 18ème s. d’une congrégation de sœurs), ont aménagé en 2002 deux chambres d’hôtes de grand charme, « Les Cimes du Puy-en-Velay ». Cimes car leur petite terrasse sommitale ouvre une vue splendide sur les toits de la ville et en fait les habitants les plus hauts perchés du Puy-en-Velay ! Avec ses tommettes au sol, la salle du petit-déjeuner se trouve dans l’ancien dortoir des novices. « Nous recevons beaucoup de gens passionnés d’Histoire et de cathédrales », précise Gilles Devie. Comme un symbole, les fenêtres du salon s’ouvrent sur les deux clochers aux tuiles vernissées de l’église Saint-Georges.
Le Chamarlenc, 1 étoile Michelin depuis 2024
Les rues en pente aux belles façades qui mènent vers la ville basse (rues des Tables, Raphaël, Chênebouterie…) font passer devant le restaurant Chamarlenc. Voilà la nouvelle table en vue du Puy-en-Velay, récompensée d’une étoile Michelin en 2024… un an seulement après l’ouverture ! Un succès pour Yoan Delorme, jeune chef de 27 ans venu d’Avignon d’où il a « ramené un peu de Méditerranée dans le Velay », dit-il. Jusqu’à proposer des lentilles à la bouillabaisse, raccourci savoureux de cette « cuisine fusion ». Avec sa compagne Cellia Baudelier en salle, il joue la carte des produits locaux pour « une cuisine simple, authentique et gourmande », poursuit-il. Le ticket moyen est à 125 € et mieux vaut réserver 2 mois et demi avant pour être sûr d’avoir une table !
On peut aussi manger sur le pouce, en particulier le samedi. Pratique devenue rare en France, le marché hebdomadaire prend possession de la plupart des places et des rues du centre-ville. On y décèle un air du Sud, avec l’animation bon enfant, les étals conviviaux, les boutiques achalandées, les terrasses bondées, sur fond de façades colorées (places du Plot, du Clauzel, du Martouret). Si l’accent méridional est absent, les produits locaux, eux, sont bien là. La célèbre lentille verte du Puy s’achète obligatoirement chez Sabarot, rue Courrerie. Fondée en 1819, l’entreprise spécialisée en légumes secs et conserves appartient toujours à la même famille, qui se fournit auprès d’une myriade de producteurs locaux.
Place du Plot, on ira choisir son fromage aux Artisons, une « tomme » ronde de vache au lait entier et cru sur la croûte duquel se développent les artisons, des acariens. « Les miens sont affinés deux mois en cave », encourage Geneviève Boyer, productrice à Vernassal, commune rurale située à une vingtaine de km du Puy-en-Velay. Une quinzaine de producteurs vendent ce fromage sur cette place. Certains œuvrent pour qu’il obtienne une Appellation d’Origine Contrôlée.
Apéro place de la Halle
Le fin gras du Mézenc (viande bovine) est aussi une spécialité du territoire. On pourra l’acheter dans l’une des nombreuses boucheries de la ville. Car c’est ainsi au Puy-en-Velay : le petit commerce reste vivant, comme le prouvent notamment les boutiques de la rue Pannessac. Un point rassurant sur la capacité de certaines villes à résister à la concurrence des centres commerciaux. Après un apéritif de fin de marché à prendre sur la terrasse d’un des bars de la place de la Halle, on ira se poser pour déjeuner Au Comptoir des Saveurs (av. Foch), à la toujours très animée brasserie-pub La Distillerie, au Vellavi (rue des Tanneries) ou au Cintra, le bistrot-bar-lounge du tout nouveau hôtel Le Regina.
Le Régina, hôtel de charme
Voilà l’hôtel de charme qui manquait à la ville. Dans cet immeuble d’angle à rotonde, construit en 1924, 40 chambres et suites tout confort ont été aménagées dans les cinq niveaux de la bâtisse (mention particulière aux trois suites Regina de la rotonde). Ouvert fin 2024 après de lourds travaux, l’hôtel compte deux autres restaurants (La Terrasse et La Table 1924, ce dernier plus « gastro »), une salle de fitness et une salle de soins avec sauna.
Musée Crozatier, Histoire, peintures et expositions temporaires
Pour compléter la découverte de la ville, on ira visiter le musée Crozatier. Accessible à pied depuis la grande place du Breuil et l’agréable jardin Henri Vinay, ce musée présente sous une bâtisse 19ème s. et une extension design des collections de Beaux-Arts, d’égyptologie et de sciences. A voir : la plus ancienne peinture sur toile conservée en France (1410) ; « Vercingétorix devant César », tableau majeur de Lionel Royer (1899), reproduit dans la plupart des manuels scolaires français ; et un tableau de Delacroix, « La Chasse au tigre », en prêt exceptionnel jusqu’au 13 juillet. Une exposition sur le « Japon, archipel des arts », est aussi proposée du 21 juin 2025 au 4 janvier 2026. Une autre exposition, permanente, sur la dentelle, rappelle que Le Puy-en-Velay est aussi l’héritière de cette tradition… comme Dinant !
Le rocher Saint-Michel est aussi à voir absolument. Comme le rocher Corneille et sa statue Notre-Dame-de-France, ce piton volcanique est vertigineux en ce sens qu’il abrite à son sommet quasi « inaccessible » (il faut grimper 268 marches taillées dans le roc !), un sanctuaire qui remonte à l’an 950 et prend des airs de chapelle paléochrétienne. Plus terre à terre (mais pouvant aussi faire tourner la tête !) sera la visite de la distillerie Pagès. A 8 km de la ville, on produit ici depuis des lustres l’excellence liqueur de verveine du Velay (la plante est récoltée dans le jardin adjacent), vieillie en futs et foudres. Un ultime souvenir à ramener de cette cité qui n’est pas qu’une dévote chrétienne conservatrice.
Faire un grand voyage en Albanie, c’est visiter des villes à l’intérêt certain. Depuis la capitale Tirana, assez centrale, l’itinéraire vers le nord conduira donc vers Kruja et Shkodra, avant de redescendre le long de la côte jusqu’à Durrës, premier port du pays.
Tirana, 900 000 habitats (presque un tiers de la population du pays) est une capitale disparate. Aux bâtiments modernistes des années 30 et communistes de l’après-guerre répondent des édifices futuristes censés inscrire la capitale dans le XXIe s. Le résultat est bancal. Au centre, la place piétonne Skanderbeg, héros national omniprésent, représenté ici en statue à cheval, incarne cet urbanisme foutraque. Le musée national d’Histoire et sa grande mosaïque des années 80 en façade, le palais de la Culture (1963), la banque d’Albanie (1938) ou la mosquée Et’hem Bey (fin XVIIIe s.), côtoient le nouvel hôtel InterContinental et la tour futuriste Tirana’s Rock, dont le profil dessine le visage de Skanderbeg.
La terrible période de la dictature communiste est révélée à la Maison des Feuilles. L’ancien siège de la Sigurimi, la « Stasi albanaise », présente tout l’arsenal de répression, surveillance et propagande mis en place par l’Etat albanais au plus fort de sa paranoïa. Le soir, on profitera de l’animation et de la cuisine albanaise dans l’un des nombreux bars et restaurants des quartiers Pazari i Ri et Blloku, festifs et occidentalisés.
Kruja vaut pour sa situation en amphithéâtre au flanc d’une montagne et sa citadelle. Elle est censée avoir vu naître le héros Skanderbeg, qui lutta farouchement contre les Ottomans au XVe s. Rebâtie dans les années 80, elle abrite un musée consacré au chef de guerre et offre une belle vue sur l’Adriatique.
Vue panoramique sur la ville de Skhodra depuis la forteresse de Rozafa Philippe Bourget | cms
A 30 km de la mer, bordée par le lac du même nom frontalier avec le Monténégro, Shkodra offre un double intérêt : sa citadelle de Rozafa, bâtie au XIVe s. par les Vénitiens, dont les vestiges occupent 200 ha au sommet d’une colline ; et l’animation piétonne des rues Idromeno et G’juhadol, aux nombreuses terrasses, où l’on visitera aussi le passionnant musée national de la photographie Marubi, du nom de cette famille qui documenta durant trois générations la société albanaise.
Durrës est comme tous les ports, intriqué, hétéroclite. Seconde ville du pays, celle qui fut hellène, romaine, byzantine, angevine, vénitienne et ottomane, en plus d’être un des terminus des routes caravanières venues d’Orient, en porte encore les traces. C’est donc à travers l’archéologie qu’on la découvrira, en allant voir l’amphithéâtre romain de 15 000 places enclavé dans la ville, les vestiges des remparts et le musée archéologique, synthèse fouillée de toutes ces époques. En plein boom touristique, la ville, connectée à l’Italie par ferries, devrait prochainement accueillir une marina tandis que de nouveaux hôtels sortent de terre, à l’image du Crown Plaza, en front de mer.
6h50 du matin, dans la ville haute du Puy-en-Velay. A l’heure où les touristes dorment encore du sommeil du juste, de curieux marcheurs grimpent, sac à dos volumineux sur les épaules, vers la cathédrale. En cette matinée de printemps, ces trekkeurs urbains d’un genre particulier ont rendez-vous pour la messe et la bénédiction de 7h, assurée ce jour là par Monseigneur Yves Baumgarten, évêque du Puy-en-Velay.
De quelques jours à plus de deux mois
Tous vont prendre, à l’issue de la cérémonie, le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle. Un périple à pied de quelques jours pour certains et de plus de deux mois pour d’autres, beaucoup moins nombreux, à vouloir rallier d’un trait la ville espagnole de Galice. Voir une église en France copieusement remplie de fidèles à 7h du matin est un spectacle devenu rare. Sacs à dos posés le long des murs de la nef ou à leurs pieds, en short, leggings et chaussures de randonnée, plus d’une centaine de personnes suit religieusement l’office, avant que le prélat, d’un ton patelin, n’encourage les marcheurs dans leur future équipée, s’enquérant de leur parcours et de leur origine.
Pèlerinage intérieur…
Il y a des Français, logiquement majoritaires, venus de toutes les régions du pays. Mais aussi des Belges, des Polonais, des Suisses, des Suédois, des Américains, des Canadiens et même des Australiens. « Vous avez décidé de prendre un chemin qui va vous révéler, à travers la culture et les rencontres, un autre pèlerinage, plus intérieur, peut-être. Pour cela, il faut du temps, le temps de l’intériorisation pour aller au fond de vous-même. Je vous invite à découvrir tout cela dans un désir de foi », prêche Monseigneur Baumgarten, écouté attentivement par les plus croyants.
Les marches de la cathédrale
Philippe Bourget
Si certains sont là par piété, beaucoup assistent à la messe pour le symbole. Jusqu’à la traditionnelle et majestueuse ouverture des « portes » de la cathédrale. Au Puy-en-Velay, les battants ne s’ouvrent pas comme ailleurs à l’arrière de l’édifice, vers un parvis situé à hauteur de ville. Ici, des grilles s’élèvent lentement à la verticale depuis la travée centrale de la nef, libérant des volées d’escaliers et leurs 139 marches pour précipiter vertigineusement les ouailles depuis la colline religieuse vers la ville basse.
500 000 pèlerins en 2024
Portable allumé pour immortaliser l’instant, et munis d’un crédencial (carnet de route du pèlerin) et d’une coquille Saint-Jacques offerte par l’évêque, les marcheurs s’engagent dans la descente, protégés par l’onction catholique. Les voilà prêts à en découdre sur tout ou partie des quelque 1 500 km du parcours. « Entre le 1er avril et la fin octobre, il y a entre 80 et 300 personnes qui assistent chaque matin à la bénédiction et partent sur le chemin. Je suis ici depuis 2022, tous les ans, il y a de plus en plus de monde », constate Yves Baumgarten. Selon le prélat, de 25 000 pèlerins en 1984, la Via Podiensis a accueilli, sur tous les tronçons de ce chemin, balisé jusqu’à la frontière espagnole, près de 500 000 marcheurs en 2024 !
Marche libératrice
Si l’on rencontre encore sur l’itinéraire, né en 950 de l’initiative de l’évêque Godescalc, de véritables pèlerins animés par la foi, la majorité s’y lance pour des raisons plus païennes. Retour sur soi, désir de pause dans une vie survoltée, marche libératrice après une épreuve familiale ou un burn out, quête de sens, plaisir de l’effort, pari sportif… Les raisons sont aussi nombreuses que les marcheurs !
Même le roi Philippe et la reine Mathilde
Sur les marches de la cathédrale, Fransesco, belge résidant à Liège, a rejoint dans l’aventure Anne, une compatriote du plat pays habitant dans le sud de la France. « Je vais jusqu’à Conques, en une huitaine de jours. Moi, c’est le côté sportif qui m’intéresse », reconnait ce jeune senior, rappelant opportunément que quelques jours plus tôt, le 16 avril, le roi Philippe et la reine Mathilde, avec trois de leurs enfants, ont achevé le périple à Saint-Jacques-de-Compostelle, après l’avoir entamé il y a 8 ans. Anne et son amie, Sylvie, qui marche « pour avoir la paix », iront un peu plus loin que Conques. Mais pas question de dormir dans des gîtes de pèlerins ! « On est plutôt chambres d’hôtes, histoire d’avoir un bon dîner et un vrai petit-déjeuner, un lit douillet et ne pas être obligé de dormir à 15 dans un dortoir. Ca, c’est bon quand on a 20 ans ! », sourit Anne.
Verre de l’amitié la veille au Camino
Philippe Bourget
Après avoir dévalé les rues de la vieille ville, traversé la place du Plot où les étals du marché accueillent leurs premiers clients, les marcheurs, en solo ou en petits groupes, grimpent sur le versant opposé de la cité. Certains, la veille, sont passés par Le Camino. Près de la cathédrale, cet ancien hôtel particulier du 14 et 15ème s., doté d’un joli café-jardin, abrite « L’accueil des Pèlerins ». Ouvert de 17h à 19h pour un verre de l’amitié, « les marcheurs viennent échanger, se renseigner, se rassurer, aussi », témoigne Marie-Christine, une bénévole. Le Camino abrite également un parcours scénographique sur le chemin de Saint-Jacques, histoire de se mettre dans l’ambiance.
Des rues du Puy-en-Velay au chemin
Philippe Bourget
Il est un peu plus de 9h quand les randonneurs quittent l’ultime rue du Puy-en-Velay pour s’engager sur le premier sentier. Un pré, à côté, a été fauché de manière à reproduire une coquille St-Jacques. Cathédrale du Puy dans le dos, le lieu, à 711 m d’altitude, offre un joli point de vue sur Espaly-Saint-Marcel et son piton volcanique, occupé par une basilique et la statue monumentale de Saint-Joseph. Cette transition est l’occasion d’une pause. Les randonneurs se rafraichissent, ôtent une veste devenue superflue ou en profitent, avec leurs portables, pour réserver le gite du soir.
Jeunes, seniors, « solos », familles…
Nathalie, une Française, est partie seule, un mois, « pour me couper de la routine, faire un vrai break et penser à d’autres choses. Là, j’ai encore tout dans la tête mais dans 3 jours, j’aurai oublié ! », dit-elle. Guillaume, venu de l’ouest de la France, part pour une semaine. Il n’a rien préparé. Cinq vendéennes, retraitées, envisagent de rejoindre Conques. Sauf pour l’une d’elles, c’est la première fois qu’elles s’engagent sur le chemin. Objectif : « vivre de bons moments ensemble, avoir des discussions sur des sujets existentiels et voir si on est capables de faire ça », témoigne Marie-Jeanne. Des jeunes, des seniors, des familles, des « solos »… A des allures différentes, les voilà tous partis sur le GR 65.
Gîte d’étape à Montbonnet… « La 1ère étape »
Philippe Bourget
Selon le rythme de chacun, l’étape du soir ne sera pas la même. Village agricole posé dans un paysage de pâturages et de collines boisées, Montbonnet, à 4h de marche du Puy, signe pour certains le premier arrêt. Là se trouve la splendide chapelle Saint-Roch, au bord du chemin. Bâtie en pierre du Velay, cet édifice roman à clocher-peigne dont l’origine remonte au 11ème s. est presque enfoncé dans la terre grasse du plateau. Dédié à Saint-Roch, devenu le saint patron des pèlerins au 17ème s., elle recueille, sur de petits papiers blancs pliés dans une corbeille, les vœux des marcheurs. Montbonnet abrite plusieurs gites d’étapes et d’autres hébergements mais s’il en est un où l’esprit du chemin de Saint-Jacques souffle avec force, c’est bien le gîte « La 1ère étape ».
Chemin de Saint-Jacques, une République indépendante !
Dans une maison traditionnelle du Velay, en pierre pouzzolane (rouge) et basalte (grise), ainsi que dans un chalet récent bâti au fond d’un jardin avec vue sur les monts d’Ardèche, Anne et Didier, eux-mêmes pèlerins du chemin de Saint-Jacques, accueillent, à 1 100 m d’altitude, jusqu’à une vingtaine de marcheurs chaque jour. « Tout le monde ici est dans la même énergie. Le chemin de Saint-Jacques est une République indépendante de 1 500 km de long sur 1 km de large, où règnent bienveillance et qualité des rapports humains », éclaire joliment Didier. Un changement aussi pour eux deux, venus d’horizons différents et qui se sont rencontrés sur les marches de la cathédrale du Puy, après des parcours de vie dans d’autres univers.
Gîte ou chambre d’hôtes ?
Philippe Bourget
Les randonneurs plus vaillants poussent en général jusqu’à Saint-Privat-d’Allier. A 6-7h de marche du Puy-en-Velay, ce village-étape dominé par un château et une église ne manque pas non plus d’hébergements, avec 475 lits et quelques magasins de bouche pour se ravitailler. « L’Escargot dans sa Coquille », au cœur du village, est l’un d’eux. Catherine Richard et Philippe Delarivière ont repris cette « affaire » en 2023, après avoir tenu une maison d’hôtes dans le Haut-Bugey (Ain). Dans trois maisons mitoyennes, ils proposent un gîte de 16 places, quatre chambres d’hôtes cosy et un restaurant ouvert le soir, avec une cuisine 100% maison. Le couple a aussi aménagé un centre de bien-être – leur valeur ajoutée – avec des lits de flottaison pour raffermir les muscles, et des soins prodigués par Catherine, rebouteuse-masseuse.
Philippe Bourget
Effets de la société moderne sur les âmes
« Ce qui nous anime, c’est d’apporter du plaisir. Ici, nous voyons le monde entier, des Allemands, des Belges, des Anglais, des Canadiens, des asiatiques… Notre plus jeune client était un enfant d’un an, avec ses parents. Le plus âgé, une dame de 86 ans. Elle a même dormi au dortoir ! », se souvient Catherine. Parce que l’étape du jour 2 est rude, avec la descente puis la remontée dans les gorges de l’Allier, le petit-déjeuner est très roboratif. Et les soins de Catherine, bien utiles. A leur poste, ils voient aussi les effets délétères de la société moderne sur les âmes. « Beaucoup de marcheurs viennent pour se reconnecter à eux-mêmes. On reçoit aussi des jeunes de 25-30 ans qui ont fait de longues études et sont paumés face aux défis qu’ils ont à relever », intervient Philippe. Autre tendance chez certains marcheurs : la demande de confort le soir à l’étape, qui leur fait préférer les chambres d’hôtes aux gîtes d’étape.
Rochegude, vigie des gorges de l’Allier
Philippe Bourget
Et puisque sur ce chemin, le principe est de ralentir, il n’est pas interdit de faire de longues pauses pour profiter de sites magnifiques. L’un d’eux se trouve à 3 km de Saint-Privat d’Allier : Rochegude. Une tour ronde, vestige d’un château du 13ème s. ; une chapelle rustique à clocher-peigne et chevet rond couvert de lauzes ; une poignée de maisons paysannes ; des rochers ; et la vue, surtout, panoramique, sur les gorges de l’Allier et ses versants boisés, 350 m plus bas. Rochegude, « château de rochers » comme on dit par ici, affirmait jadis l’autorité de seigneurs locaux le long de la rivière, ancienne frontière du Velay face à la Basse Auvergne. Des marcheurs de Saint-Jacques s’y arrêtent pour pique-niquer, séduits par la beauté du lieu. C’est l’une des multiples occasions de poser le sac et de méditer au long d’un itinéraire où les paysages et les rencontres font de vous, parait-il, un « autre homme ».
A 1h de route au nord-ouest de Paris, le Vexin est certes un de territoire proche de Paris, mais c’est aussi et surtout une destination idéale pour qui a un besoin impérieux de chlorophylle et de campagne ! Avec, en prime, une touche culturelle inédite : la présence des villages d’Auvers-sur-Oise et de Vétheuil, marqués par deux des plus iconiques peintres de leur temps, Van Gogh et Monet. Autant dire que la clientèle du Benelux est aussi intéressée par cette petite région délicieuse, à l’occasion d’une escapade à Paris ou d’un coup de tête de fin de semaine, à 2h30 de voiture de la frontière belge.
Depuis 30 ans, ce territoire est protégé par le Parc naturel régional du Vexin. Il couvre plus de la moitié du Val d’Oise, département à tonalité urbaine (Cergy-Pontoise, Argenteuil, Enghien-les-Bains…) mais défini aussi par ce vaste plateau céréalier incisé de vallées, qui annonce la Normandie. On y flirte avec la Seine, qui ondule en jolies boucles. On y croise des rivières connues, comme l’Oise, ou plus secrètes, telles l’Epte, la Viosne, l’Aubette de Meulan… Autant de micro terroirs propices à des balades pédestres et cyclistes, grâce aux itinéraires imaginés par le Parc et Val d’Oise Tourisme.
Au gré des randonnées ou d’un circuit en voiture, le Vexin révèle d’autres charmes : des villages tranquilles avec des maisons à colombages ; des fermes de produits locaux (bières, farines de céréales, légumes, miels…), des sentiers du patrimoine, des châteaux (voir plus loin), des parcours troglodytiques, la chaussée Jules-César. Preuve que ce territoire n’est pas seulement « nature », le Vexin français a été le premier parc naturel régional à avoir été classé « Pays d’Art et d’Histoire ».
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2. Auvers-sur-Oise, l’empreinte Van Gogh
Bienvenue dans le plus célèbre village du Vexin ! Quand Vincent Van Gogh rentre en 1890 de Saint-Rémy-de-Provence, où il a passé un an dans une maison de santé, il a besoin de sérénité et de trouver un nouvel élan créatif. Son arrivée à Auvers-sur-Oise tient à la présence du Dr Gachet, ami des peintres, réputé soigner les âmes tourmentées. Van Gogh prend pension à l’Auberge Ravoux, vénérable établissement qui existe toujours et où les touristes se rendent pour goûter une cuisine généreuse, certains s’asseyant à la même table que celle où Van Gogh mangeait. Des scènes du film « La vie passionnée de Vincent Van Gogh », avec Kirk Douglas, y ont été tournées en 1955. A l’étage, on peut visiter sa chambre (payant – avec boutique).
La table à manger de Van Gogh – Auberge Ravoux Philippe Bourget | cms
Auvers-sur-Oise se laisse découvrir au fil d’un chemin des peintres qui dévoile toutes les facettes du village, les noms et les histoires d’autres artistes venus peindre ici avant Van Gogh (Daubigny, précurseur des Impressionnistes – un joli musée lui est consacré ; Corot ; Daumier…) et la beauté singulière d’un village de campagne aux portes de Paris, mêlant maisons d’origine paysanne et petits manoirs bourgeois avec jardins. Le chemin raconte les 70 derniers jours de la vie de Van Gogh, mort à 37 ans dans sa chambre de l’Auberge Ravoux, le 29 juillet 1890, après s’être tiré une balle dans le ventre. Au cours de son séjour sur les rives de l’Oise, bref et intense, il peindra 74 œuvres, dont l’iconique église Notre-Dame et les fameux portraits du docteur Gachet et d’Adeline Ravoux.
Vetheuil au printemps, église notre dame Vexin
On ira bien sûr visiter l’église, avant de se rendre à pied au cimetière au Vincent Van Gogh repose, aux côtés de son frère Théo, dans une tombe couverte de lierre, d’une grande simplicité. Le château d’Auvers, lui, abrite jusqu’au 2 novembre 2025 l’exposition « Van Gogh, les derniers voyages », à voir absolument. Ceux qui ont un peu de temps traverseront l’Oise pour aller, à peine en dehors du Vexin, à Mériel. C’est ici que le célèbre acteur français Jean Gabin a passé son enfance. A l’occasion des prochaines Journées du patrimoine, en septembre 2025, le musée Jean Gabin rouvre. Il présentera une nouvelle scénographie sur sa jeunesse et ses films, ainsi que sur l’autre acteur populaire Louis de Funès, qui possédait une maison à proximité, dans le Vexin… normand.
Château Auvers sur Oise Gil Giuglio – Val d'Oise Tourisme
3. Hérouville, Ambleville, Villarceaux : trois châteaux, trois destins
Nous croirez-vous si l’on dit que David Bowie, Elton John, les Bee Gees, Fleetwood Mac, Iggy Pop, les Pink Floyd, Sting, Texas mais aussi Chopin, George Sand et Colette connaissent ou ont bien connu Hérouville-en-Vexin, village anonyme et rural de 570 habitants, situé à 5 km d’Auvers-sur-Oise ? Une seule raison à cela : la présence d’un château du 18ème s. Il abrita les amours de Chopin et de G. Sand, avant que Colette ne l’acquière quelques années plus tard. Surtout, racheté en 1962 par le compositeur Michel Magne, auteur notamment de la musique du film Les Tontons Flingueurs, il va devenir un studio d’enregistrement mythique, attirant les plus grands artistes et groupes pop-rock de la planète. Abandonné, délabré, il a été racheté en 2015 par trois passionnés qui lui redonnent son lustre d’antan, attirant à nouveau de grands artistes internationaux. Les visites se font au compte-gouttes. Le meilleur moyen de découvrir ce lieu mythique, où trône encore le piano Steinway B de 1901 sur lequel Elton John enregistra ses albums cultes Honky Château et Goodbye Yellow Brick Road, est de venir à Auvers-sur-Oise en avril, lors des Rencontres Vandisc, salon international des passionnés de vinyle (en 2025, les 26 et 27 avril). Quelques visites du château d’Hérouville sont parfois proposées.
Le mythique studio d’enregistrement du château d’Hérouville Philippe Bourget | cms
A l’autre bout du Parc naturel régional du Vexin, côté ouest, deux autres châteaux méritent le détour : Ambleville et Villarceaux. En chemin, on s’arrêtera à Guiry-en-Vexin, dont le musée archéologique départemental accueille jusqu’à fin décembre 2025 l’exposition « Agatha Christie en quête d’archéologie », discipline qui a inspiré plusieurs de ses œuvres. Ambleville est une incongruité. Ce beau château Renaissance aux jardins en terrasse d’inspiration italienne, est accolé à l’église du village. Dominant la vallée de l’Aubette de Meulan, il a été bâti au 16ème sur les ruines d’un château féodal. Son domaine, ouvert au public en juillet et en août, est classé « Jardin remarquable ».
A deux pas, voici le Domaine de Villarceaux. Gratuite, la visite plonge dans un magnifique parc de 70 ha dans lequel on compte un manoir du 16ème s., un château du 18ème s., des bâtiments communs, une ferme biologique, un golf 18 trous et un autre « Jardin Remarquable » avec bassins, carrés de buis et potager conservatoire. Connu depuis le 11ème s., le lieu a subi de nombreuses transformations au fil des siècles, mêlant architecture moyenâgeuse, Renaissance et classique. Ce site connu pour avoir abrité les amours de Ninon de Lenclos, célèbre courtisane du 17ème s., promet une demi-journée de nature et d’Histoire passionnante au cour du Vexin.
Chateau de Villarceaux Chaussy vexin
4. La Roche Guyon, « Plus beau village de France » et Vétheuil, hôte de Monet
La découverte du Vexin ne serait pas complète sans passer par La Roche-Guyon. Bienvenue cette fois sur les rives de la Seine, qui forme ici une jolie ondulation glissant au pied de falaises de craie. Village fortifié doté d’un immense château transformé au 18ème s. par la famille de La Rochefoucauld, La Roche-Guyon est le premier site visité du Val d’Oise. Son cadre romantique en bord de fleuve, ses rues charmantes, son potager-fruitier de 4 ha classé (encore !) Jardin Remarquable et son château, dont la visite permet, grâce à un escalier troglodytique, de grimper (péniblement) jusqu’au donjon sommital qui ouvre une vue splendide sur le val de Seine, valent au bourg d’être classé parmi « les Plus Beaux Villages de France ». Le seul de la Région parisienne !
Falaises blanches en bord de Seine Vexin
A noter que le château abrita durant la seconde guerre mondiale le QG du général Rommel (vestiges à voir dans les caves) et inspira le dessinateur belge de Blake et Mortimer, Edgar P. Jacobs. La même cave du château abrite d’ailleurs le Chronoscaphe, machine à remonter le temps de l’album Le Piège Diabolique. Le cadre remarquable du village et ses 1 000 ans d’Histoire ont aussi résonné à l’oreille des artistes. Victor Hugo et Lamartine ont séjourné au château. Pissarro, Renoir, Cézanne, Braque et… Monet y ont peint.
La Roche Guyon Vexin
Pour Monet, rien que de plus normal, il habitait à côté. On pourra ainsi achever avantageusement la découverte du Vexin par un arrêt à Vétheuil, à 7 km de La Roche-Guyon. C’est là, de 1879 à 1881, que résida Claude Monet, avant de partir à Giverny – qui n’est qu’à 9 km de La Roche-Guyon, dans le département voisin de l’Eure). Situé lui aussi dans un méandre des boucles de la Seine, Vétheuil offre un cadre élégant constitué de maisons vigneronnes et d’une église à la façade de style Renaissance. Un sentier du patrimoine permet de lire le paysage qui inspira Monet, avant de poursuivre la visite, si l’on a du temps, dans son fief de Giverny.
Infos pratiques
Partir
En voiture, le Vexin et Auvers-sur-Oise sont à 3h30 de route de Bruxelles.
Hébergements-Restaurants-Cafés
Le Green des Impressionnistes
A Ennery, à deux pas d’Auvers-sur-Oise, cet hôtel-résidence hôtelière moderne aux grandes chambres très confortables ouvre une vue inédite sur les tours du quartier parisien de La Défense, au loin. Le charme de la campagne à deux pas de Paris ! A partir de 115 € la nuit.
Auberge Ravoux
A Auvers-sur-Oise, la célèbre auberge où résida Van Gogh en 1890. A partir de 15 € le plat.
Des Tobacco Lords à Macintosh, signes intérieurs de richesse
A Glasgow, l’histoire se lit dans la pierre. Fondée au VIe s., la cité s’établit sur une colline au nord-est du centre-ville actuel. Là se trouvent toujours la cathédrale catholique St Mungo’s (XIIe-XIIIe s., remaniée), devenue presbytérienne, et la plus ancienne maison de Glasgow, Provand’s Lordship (1471), souvenir de son passé moyenâgeux. Elles sont bordées par Necropolis, cimetière-jardin victorien (XIXe s.) dominant la ville de ses 3 500 pierres tombales.
Pollok House, manoir au sud de la rivière Clyde Bourget Philippe
Glasgow entre réellement dans la lumière en 1707, quand l’Ecosse se lie à la couronne d’Angleterre. Depuis le port, les navires peuvent accéder plus facilement que depuis Londres aux terres anglaises d’Amérique. Des marchands locaux, les Tobacco Lords, vont ainsi faire fortune dans le tabac et bâtir de riches demeures. C’est dans Merchant City – partie du centre-ville – que l’on peut les voir, comme celle à colonnes du 78, Hutcheson Street, ou la Gallery of Modern Art, ex maison du négociant William Cunningham. Ou encore Merchant Square, un ancien marché couvert qui deviendra au 19e s. un haut-lieu de commerce.
Immeuble de style Ecossais Baronial sur Argyle Street Bourget Philippe
Dans ce quartier s’affichent aussi les marques bourgeoises d’une autre ère : la révolution industrielle. A la fin du XVIIIe s., l’écossais James Watt décuple le potentiel de la machine à vapeur. Jackpot pour la ville, qui fait tourner ses mines de fer, de charbon et ses industries à plein régime. Avec la construction navale, Glasgow devient aux XIXe s. et XXe s. une cité ouvrière prospère. Les big boss y bâtissent de nouveaux édifices : face au Tron Theater, l’ancienne banque de style « écossais baronial » (décors médiévaux et Renaissance) ; sur St Vincent Street, Anchor Line (ex compagnie maritime, 1906) et Citizen Office.
Argyle Street Bourget Philippe
La période révèle aussi le talent de l’architecte Charles Rennie Mackintosh. Inspirateur de l’Art Nouveau à Glasgow, son travail se lit en différents lieux, comme la Lighthouse (un « phare » en ville), la Glasgow School of Arts et The House of an Art Lover, dans le parc Bellahouston. L’âme ouvrière, elle, transparait à Hidden Lane, dans le quartier aujourd’hui bobo de Finnieston. D’anciens ateliers en briques sont devenus des studios d’artistes. Quant aux puces de Barras, dans East Side, elles drainent le week-end une clientèle populaire fan de vintage.
Porte des City Chambers, l’hôtel de ville Philippe Bourget | cms
Depuis les années 1990, une renaissance et une vie culturelle intenses
La prospérité de Glasgow s’effondre dans les années 1970-1980. Avec la fin de l’aventure minière britannique et les crises industrielles, la cité tombe dans la pauvreté. Quartier populaire, la rive sud de la Clyde, fleuve côtier qui traverse la ville, est exsangue. La traversée du tunnel va durer plus de 20 ans. Jusque aux années 1990 quand, sous l’impulsion de la sphère artistique de la ville, un début de renaissance s’engage.
Passerelle piétonnière sur la rivière Clyde Philippe Bourget | cms
Mot d’ordre : rénovation urbaine à tout-va et culture musicale. C’est à ce moment là que les groupes locaux Simple Minds, Frantz Ferdinand et Texas se révèlent, dans l’ancienne salle de bal Barrowland, devenue lieu de concert. Le street art envahit les murs. Glasgow offre de nos jours un mélange étonnant de dynamisme culturel. Une ardeur friendly qui tient autant à la solidarité héritée de l’histoire ouvrière qu’à ce présent arty et musical. « On rit plus à Glasgow lors d’un enterrement que durant un mariage à Edimbourg ! », se moquent les locaux.
Le marché aux puces des Barras, East Side Philippe Bourget | cms
Même si des friches urbaines sont toujours visibles et qu’une certaine pauvreté se lit dans des rues et sur des visages, l’éveil glasvégien se renforce depuis trente ans. Proche de la chic Ingram Street et de George Square, où se dressent les City Chambers (l’hôtel de ville), la piétonne et large Buchanan Street aligne de nombreux commerces. Merchant Square est devenu un lieu prisé de fooding, dans un secteur urbain qui vibre aux couleurs LGBT. Au-delà du quartier boboïsé de Finnieston (restaurants, bars…), West End est aussi un exemple de mutation. Autour de la vaste université où enseigna Adam Smith, père de l’économie libérale, ce quartier est devenu un repaire de magasins et de cafés branchés. On s’en aperçoit en flânant sur la très animée Byres Road ou dans la ruelle villageoise Ashton Lane, riche en pubs.
Pub dans une ancienne courette industrieuse Philippe Bourget | cms
Restent les quais de la Clyde. D’industriels, ils sont devenus « arty ». Depuis la toute récente passerelle piétonne et cycliste jetée sur le fleuve au confluent avec la Kelvin, les rives sont scandées par l’ultra design Riverside Museum (histoire des transports), le Glasgow Science Center, le siège de la BBC Scotland, le SEC Armadillo (auditorium) et Ovo Hydro (salle de concerts). Au milieu des runners qui s’époumonent, tout cela est très tendance mais par trop clinique. Des mouettes piaillent, un pâle soleil transparait… et Glasgow poursuit sa mue trendy.
Ashton Lane, rue villageoise à pubs de West End Philippe Bourget | cms
Kelvingrove Art Gallery and Museum et Burrell Collection, l’art au sommet
Ces deux grands musées sont à visiter absolument. Dans le quartier de West End, près de l’université, l’immense et impressionnant Kelvingrove Art Gallery and Museum, aménagé dans un palais en grès rose du début du XXè s. – cette pierre a servi à bâtir de nombreux édifices à Glasgow -, exige un peu plus qu’une demi-journée si l’on veut tout voir en profondeur. Les espaces d’exposition se déploient dans des patios et des étages à galeries, de part et d’autre d’un grand hall central.
Le Kelvingrove Art Gallery and Museum, dans West End Philippe Bourget | cms
Entièrement gratuit, le « Kelvingrove » parle autant de zoologie que de sculpture et de peinture. On ira voir en particulier l’espace consacré aux grands peintres modernes écossais (Leslie Hunter, JD Fergusson, SJ Peploe…) dont certains tableaux exaltent la nature locale (superbe « Balmoral Autumn », par Joseph Denovan Adam, 1896) et les salles dédiées à l’impressionnisme français, où sont présentés des tableaux des grands maîtres Courbet, Monet, Cézanne, Matisse, Renoir…
La Burrell Collection est aussi indispensable. Plus importante collection d’art issue d’un legs privé d’Ecosse, elle provient de Sir William Burrell, industriel glasvégien du tournant du XXè s. ayant fait fortune dans la construction navale. Il a passé sa vie, avec son épouse, à réunir des œuvres. Près de 10.000, dit-on. Sa passion éclectique l’a conduit à posséder des peintures d’impressionnistes, des céramiques, des sculptures, des objets antiques… Tous plus remarquables les uns que les autres.
Une salle d’exposition dans la Burrell Collection Philippe Bourget | cms
A sa mort, en 1958, il en fit don à sa ville. Depuis les années 1980, celle-ci les présente dans ce vaste musée design récemment rénové, posé au sud de la rivière Clyde, dans le Pollok Country Park, grand jardin de 150 ha avec ferme, vaches highlands et manoir, un poumon vert parmi d’autres de la ville. Détendu par cet environnement de nature, le public est invité à découvrir des statuettes asiatiques, des céramiques chinoises et iraniennes aux couleurs splendides et une superbe série de tableaux impressionnistes de Degas (peintre préféré de Wlliam Burrell), Manet, Courbet (splendide tableau de la « Charité à Ornans »), Pissaro, Renoir, Corot, Daumier… ainsi que des sculptures de Rodin et de Camille Claudel. Un régal.
Botanic Gardens et Kelvingrove Park, références d’une cité verte
Comme dans beaucoup d’autres villes britanniques, la nature est très présente. Autant en profiter après avoir trekké dans les rues de la cité ! Parmi les parcs de Glasgow, le jardin botanique, dans West End, est un must. Proche de la station de métro Hillhead, il offre une respiration charmante avec ses parterres jardinés, ses serres et sa vallée sauvage de la Kelvin. Fondé en 1817 par le botaniste Thomas Hobkirk, il propose ses allées bordées de pelouses bien taillées à des déambulations romantiques (de nombreux écureuils gris gambadent en liberté) et 12 serres abritant plus de 12.000 sortes de plantes et fleurs exotiques et du désert.
Dès l’entrée, on tombe nez à nez avec un magnifique palais de verre, le Kibble Palace, qui abrite une luxuriante végétation tropicale. On achèvera la balade par une plongée le long de la rivière Kelvin, vallée verte et secrète longée par un sentier pédestre.
La rivière Kelvin près de l’université, dans Kelvingrove Park Philippe Bourget | cms
Non loin de là, toujours dans West End, Kelvingrove Park est un autre poumon de verdure. Situé près de l’université, cet espace traversé par la rivière Kelvin, affluent de la Clyde, offre sur plus de 30 ha ses grands arbres, ses pelouses et ses allées ombragées aux promeneurs et aux joggeurs. Les enfants adorent titiller les écureuils gris, peu farouches, qui hantent ce parc.
Très fréquenté, le Kelvingrove Park est aussi le « campus vert » des étudiants de l’université, qui n’ont qu’à descendre de leurs doctes salles de cours pour venir s’alanguir sur l’herbe, aux beaux jours. Depuis deux ans, fin septembre, le parc accueille Big Feed, sur la Kelvin Way. Un évènement musical et culinaire, avec concerts et offre de street food.
Infos
• Passeport valide obligatoire pour se rendre au Royaume-Uni.
• A partir du 2 avril 2025, une ETA (Electronic Travel Authorisation) est aussi obligatoire pour se rendre au Royaume-Uni depuis la Belgique. Prix : 10 £ (env. 12 €), valable pendant deux ans (sauf si validité du passeport expirée avant). gov.uk/government/organisations/home-office
• A Glasgow, on pourra utiliser le métro (une ligne circulaire) et les bus pour les sites éloignés. Billet à la journée : métro (env.5€) ou bus (5,50€).
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